• Pilatus PC-24 Rollout @WikimediaCommons/Felix5413 from Birmenstorf, Schweiz
Pilatus PC-24 Rollout @WikimediaCommons/Felix5413 from Birmenstorf, Schweiz

Pilatus, le «mal-aimé des sept sages»

Mercredi dernier (16 février 2022), le Conseil fédéral a chargé le Département de la défense de revendre le Pilatus PC 24, cet avion biréacteur d’affaire suisse commandé en 2014 et livré il y a trois ans, le 18 février 2019.

Ce super-jet du Service de transport aérien de la Confédération (STAC) présentait a priori tous les avantages: produit par une firme helvétique, «rentable et polyvalent, il peut décoller et atterrir sur des pistes très courtes, ou les pistes non pavées, et d’offrir une porte cargo standard; il dispose également d'une cabine très spacieuse, dont l'intérieur peut être facilement adapté aux besoins du personnel. Les conseillers fédéraux suisses peuvent désormais voler plus près de leur destination finale, économisant ainsi un temps précieux.» Ça, c’était les arguments raisonnables de 2014.

Malheureusement, à l’usage, ce merveilleux Pilatus PC 24 a présenté quelques inconvénients. Aux dires du Département de la Défense, la récente décision n’aurait cependant «rien à voir avec les récentes pannes». On se souvient en effet que le susdit appareil, ayant dysfonctionné, a empêché en novembre dernier Ignazio Cassis de rejoindre le ministre des Affaires étrangères chinois. Pour la même raison, en juillet dernier, Guy Parmelin n’a pas pu voir l’empereur Naruhito. En décembre il a contraint Simonetta Sommaruga de poireauter à Londres. On comprend que cet avion si parfait soit «mal-aimé des sept sages».

Si sa remise en cause n’a rien à voir avec les failles constatées, il faut trouver une autre raison. Je me risque à la chercher non dans l’appareil lui-même, mais dans l’inadéquation entre l’appareil et la fonction que je voudrais –ou qu’il faudrait peut-être– lui assigner. J’hasarde ici une hypothèse plausible: le Pilatus PC 24 a l’inconvénient de ne pas se projeter assez loin; il a un rayon d’action d’un peu plus de 3'000 kilomètres, ce qui est parfait pour voyager en Europe, mais guère au-delà sans escale. Or la politique étrangère suisse est contrainte, poussée par le diktat européen, à se projeter au-delà des frontières européennes.

Morale de cette petite anecdote helvétique: tant que le moyen sera choisi pour sa beauté, son rapport qualité/prix, ses performances intrinsèques, indépendamment de l’objectif lointain qui correspond aux nécessités de l’heure et qui lui donne sens, il restera mal aimé de ceux-là mêmes qui doivent s’en servir.

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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