Pandémie: un retour à la normale en Suisse

Ce n’est pas un poisson d’avril. Depuis le vendredi 1er avril 2022, par décret du Conseil fédéral, la Suisse revient à la «normalité». Cette normalité n’est pas celle régissant la santé publique, qui régnait avant la pandémie de Covid-19, il s’agit simplement d’un retour au fonctionnement normal des institutions helvétiques. Car la pandémie, quant à elle, n’en finit pas de créer de nouvelles vagues (on ne les compte plus) et le virus de générer des variants et sous-variants (bientôt l’alphabet grec ne suffira plus pour les désigner). Les pays que l’on croyait indemnes ou sortis de la pandémie voient resurgir l’épidémie, moins agressive aux dires des responsables sanitaires, ce qui justifie –sauf en quelques régions de Chine semble-t-il– un allègement des prescriptions. Mais partout la prudence politique veut que l’on laisse aux individus le soin de prendre les précautions devenues d’usage courant (les fameux «gestes barrières» et, pour les contaminés, une période plus courte d’isolement).

Forte de sa tradition fédérale, et dans un esprit démocratique que le monde entier nous envie (sauf la France, trop jacobine et centralisatrice pour cela), la Suisse ne laisse pas dans ce domaine l’individu seul face à l’État central. C’est pourquoi le retour à la normalité annoncé le mercredi 30 mars par M. Alain Berset désigne simplement –mais c’est énorme aux yeux d’un Français– la fin de cette situation hors-norme qui donnait à la Confédération les pouvoirs normalement dévolus aux Cantons en matière de gestion de la santé publique. Ces prérogatives exceptionnelles qui couraient depuis juin 2020 étaient justifiées par la difficulté de coordonner la lutte contre la pandémie sur tout le territoire helvétique. Les cantons redeviennent, depuis le 1er avril, responsables en ce domaine.

J’épingle cette nouvelle situation politico-administrative car elle m’inspire deux remarques. D’abord l’admiration d’un Français pour un pays qui non seulement est capable de mettre un terme à une organisation politique centralisées qui a perdu sa raison d’être, pays qui sait en outre que la meilleure politique est celle qui se fait au plus proche du citoyen, en tenant compte des circonstances particulières, de la personnalité des régions et de la singularité des cantons. Il s’agit là de la mise en œuvre du principe de subsidiarité, principe souvent évoqué par la doctrine sociale chrétienne, mais que l’Église romaine, en dépit de son appel à la synodalité, mise en avant voici soixante ans par le concile Vatican II, réaffirmé a bien des reprises mais que l’institution a bien du mal à mettre en œuvre.

Ma seconde remarque porte du l’efficacité des Services administratifs helvétiques et de leur réactivité. La bureaucratie qui, au nom du contrôle, et par peur des responsabilités, encroute trop souvent les organisations publiques et les rend inaptes à répondre adéquatement aux événements imprévus, est manifestement moins lourde en Suisse que partout ailleurs, et se révèle beaucoup plus efficiente. La responsable des questions de politique sociale à Caritas-Suisse en témoigne dans le dernier numéro de la revue choisir (n°703, avril-juin 2022): «La crise du coronavirus montre que l’État peut apporter une aide rapide et simple lorsque c’est nécessaire.» Je ne peux qu’applaudir. Reste que, comme dit justement un élu de la Confédération en pensant peut-être aux émigrés ukrainiens: «La question est désormais non pas de trouver un coupable, mais de savoir comment réagir rapidement aux nouvelles situations qui se présenteront.»

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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