Soyons sérieux ! Est-il cohérent de refuser l’extraction du pétrole de schiste dans l’Union européenne, et d’en acheter aux États-Unis ? Les dégâts écologistes de l’un ou l’autre côté de l’Atlantique ne sont-ils pas les mêmes ? De même, à Lyon, certains bateaux promenant les touristes sur la Saône et sur le Rhône se déplacent officiellement par ‘propulsion électrique’, en oubliant de signaler que l’électricité est produite par un moteur diésel fonctionnant au gas-oil. Encore aujourd’hui, la plupart des voitures électriques circulant en France sont en fait propulsées par de l’énergie d’origine nucléaire, et en Allemagne par de l’énergie fournies par des centrales à charbon. Ces demi-vérités qui verdissent les affiches à défaut de correspondre tout à fait à des critères écologiques sérieux s’expliquent fort bien par le souci de paraître soucieux de la planète à défaut de l’être vraiment. Cependant elles posent une question de transparence qui mine la confiance nécessaire à l’effort écologique de tous.
Une question semblable se repose aujourd’hui en Suisse quant à l’importation de l’électricité d’origine nucléaire provenant des centrales françaises, alors que l’accroissement de la production d’électricité nucléaire est proscrit en Suisse, en attendant son éradication totale. Le fait n’est pas nouveau. Naguère, pour faire remonter l’eau dans les barrages hydrauliques, la Suisse achetait à bas prix l’électricité d’origine nucléaire durant les heures de nuit ; ce qui permettait aux tramways genevois d’afficher fièrement ‘que ce tram fonctionne à l’énergie hydraulique’. Ce n’était pas entièrement faux, mais ce n’était pas entièrement vrai.
Ces derniers mois, le gouvernement français relance la question à sa manière. Il veut construire entre six et douze nouvelles centrales nucléaires d’ici 2050. Le coût en est estimé au bas mot à quelques cent milliards d’euros. Pour alléger un peu le poids financier la relance de la politique nucléaire française, lors d’une rencontre fin mars avec des journalistes européens à Paris, le Président Macron, visant spécifiquement la Suisse aux dires de la NZZ am Sonntag, a lancé un appel, sinon directement à la Fédération (ce que la loi suisse interdirait), du moins aux régies suisses d’électricité: «La France estime qu’il est opportun que les pays qui ne veulent pas de nouvelles centrales nucléaires chez eux, mais qui importent volontiers de l’électricité nucléaire de France, participent aux coûts de construction des nouvelles centrales nucléaires prévues en France» affirme l’hebdomadaire dominical.
Je gage que les régies helvétiques n’auront pas le même appétit pour l’électricité française d’origine nucléaire qu’au début des années septante, lorsqu’elles investissaient dans la centrale du Bugey ou de Fessenheim en contrepartie d’une garantie de livraison d’électricité d’origine nucléaire. Car l’opinion publique a évolué. Le courant (sic) anti-nucléaire dans la population est presque aussi fort chez nous qu’en Allemagne. Reste à promouvoir l’énergie verte pour qu’elle se montre à la hauteur de l’enjeu, non seulement qualitativement (je vise les demi-vérités épinglées plus haut), mais aussi quantitativement. Le résultat n’est pas gagné.