Mettre à niveau la ligne Genève - Lyon

L’économie régionale –et pas seulement le tourisme en Suisse durant l’été– est liée aux voies de communication. Tous les géographes savent que l’Europe industrielle du XIXe siècle s’est développée sur la Lotharingie, cette bande de terre qui coupe l’Europe en deux, allant de l’actuelle Hollande à la plaine du Pô, en passant par la Loraine et la Suisse, et qui avait été dévolue à Lothaire, l’un des trois petits-fils de Charlemagne. Or la Lotharingie bénéficiait de voies fluviales, le Rhin au Nord, la Rhône au Sud, et d’un relief suffisamment apaisé pour favoriser les transports.  D’autres exemples de développements industriels fondés sur la facilité des transports, sont célèbres. 

Sans remonter au développement de l’Égypte ancienne autour du Nil et de la Chine autour du Fleuve jaune, de la Perse autour de l’Euphrate, il est banal de remarquer les effets de développement liés à l’aménagement de voies de communication. Alors même que, parfois, les raisons de ces voies n’ont rien d’économiques et doivent tout à la stratégie militaire (le Texas développé durant la dernière guerre pour mettre hors de portée des possibles missiles allemands les industries sensibles de la côte Est des États-Unis ou l’Auvergne profonde accueillant une industrie d’aciers spéciaux durant la première guerre mondiale). Parfois les raisons en sont explicitement économiques, comme l’électrification de la voie ferrée allant de Paris à Brest, initiée d’abord jusqu’à Rennes où voulaient s’installer les usines Citroën. Bref, pas de développement économique sans voies de transport rapide et fiable.

Sans nier l’effet du transport pour le développement de la région et de l’arrière-région genevoise, c’est dans une logique semblable qu’un éditorialiste du Temps, fin février dernier, milite pour l’amélioration de la ligne de chemin de fer Genève – Lyon. La région romane et son arrière-pays vaudois sont tellement imbriqués dans le complexe économique lyonnais que, dit-il, la ligne Genève – Lyon mérite mieux. De fait, tous les voyageurs empruntant cette ligne constatent combien les voitures sont vétustes, parfois nauséabondes, les trains bondés à certaines heures, les horaires inadéquats. Ayant eu souvent l’occasion d’emprunter cette ligne, il m’est même arrivé de rester en carafe à Culoz du fait d’une panne de la locomotive ! 

Certes, des lignes de car (notamment le Français Blablacar et l’Allemand Flixbus) fonctionnent sur ce trajet, et la durée du trajet n’est guère plus long que par le train (deux heures environ) à un moindre coût, mais avec beaucoup d’aléas supplémentaires dus aux embouteillages possibles à la sortie ou à l’entrée de Lyon (rarement à Genève) et aux éventuels contrôles douaniers. Mais l’inconfort et l’incertitude horaire de ces cars (surtout ceux qui arrivent de loin) font qu’ils ne sauraient pleinement remplacer le chemin de fer défaillant.

L’éditorialiste du Temps évoque à la manière d’une utopie la prise en charge de cette ligne par les CFF, en remplacement de la SNCF. Utopie sans doute, et je le regrette ; car la SNCF n’est guère fiable, et pas simplement sur la ligne Genève – Lyon. Il ne reste plus qu’à militer pour un accord et une bonne entente entre les deux sociétés de chemin de fer. Le Léman express semble ne pas avoir trop mal réussi dans cet exercice difficile.

À son propos:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Membre du conseil de rédaction de la revue choisir  jusqu'à sa fermeture fin 2022, il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013, et sur celui de la Province d'Europe centrale en français depuis sa création en 2021. Conseiller de la rédaction de la revue Études (Paris), le Père Perrot sj rédige deux blogs hebdomadaires: Deux doigts au-dessus du sol et Coup d’épingle. Cet été 2024, il quitte Lyon pour rejoindre Paris

Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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