• @ Fred de Noyelle/Godong
@ Fred de Noyelle/Godong

L’or des Rois mages

Et si on profitait, entre Noël et Nouvel an, pour partir à la chasse au trésor? Étienne Perrot sj nous y invite en quatre épisodes entre le 25 au 31 décembre. Avec, pour questions clé, que sont devenus les cadeaux faits par les Rois mages au petit Jésus ? que représentent-ils au XXIe siècle? Aujourd’hui, l’or des Rois mages!

Symbole de la richesse souveraine, l’or possède l’attribut d’une domination sans contestation, la toute-puissance que les enfants, spontanément, attribuent au roi. Déjà, dans la Bible, trône l’histoire du veau d’or qui devient l’objet sacré, source première de pouvoir souverain; ce n’est là que l’un des jalons qui fait de ce métal le fondement ultime -bien qu’illusoire- de la vie politique et sociale. «Tout s’achète et se vend et se pèse et s’emporte», écrit Charles Péguy. Ce mythe de l’or tout-puissant -qui permettrait de tout obtenir par achat- perdure encore aujourd’hui chez tous ceux qui pensent que la valeur des billets et des pièces déposés dans leur portefeuille ou sous leur matelas est gagé par l’or de la banque centrale, de Suisse, d’Europe, ou d’ailleurs.

Ce mythe a la vie dure. Car l’expérience montre que l’or n’est utile que dans des conditions très particulières où la solidarité et les échanges économiques et sociaux jouent le rôle central. La légende du roi Midas suffirait à nous en convaincre: le roi Midas transformait tout ce qu’il touchait en or, ce qui le conduisit rapidement à mourir de faim, car l’or est indigeste. Loin de la légende, l’expérience que nous avons sous les yeux devrait désacraliser l’or.

L’or des Rois mages n’est plus l’or d’aujourd’hui !

Fantasmé depuis l’Antiquité, l’or résume toutes sortes de richesses. Par peur des soubresauts du commerce international, l’or atteint des sommets. Coincé à trente-cinq dollars l’once anglo-saxonne (31,104 grammes) par les accords de Bretton-Woods entre 1948 et 1971, l’or a touché les deux mille dollars l’once dans la première décennie du présent millénaire, avant de chuter de moitié et de remonter d’autant. La politique américaine face à la Chine en a propulsé le prix vers mille-cinq-cents dollars l’once et au-delà, depuis l’été 2019. La peur du coronavirus en 2020 l’a fait grimper encore plus haut, avant qu’il ne redescende, en cette fin d’année 2021, autour de 1777 $ l’once. Cette variation du prix de l’or traduit un réflexe de peur, réflexe qui varie beaucoup en fonction des risques économiques, politiques, sanitaires, psychologiques, familiaux, ressentis. 

L’or des Rois mages, lui, a disparu. Il apparaît à la naissance de Jésus. Il ne sera question d’or dans le reste des Évangiles que pour dénoncer son incapacité à procurer une vie qui vaille le coup. Dans les Actes des apôtres, Pierre répond au mendiant qui demandait l’aumône: «de l’or ou de l’argent, je n’en ai pas». C’est un signe; non pas que l’or ne puisse pas jouer un rôle, mais que l’or ne permet pas d’acquérir l’essentiel. Je me permettrais au passage de plagier la phrase célèbre: «L’or ne fait pas le bonheur… de ceux qui en manquent.»

Quiconque place son bonheur dans l’or est finalement déçu; car l’or n’agit qu’au moment où l’on accepte de s’en défaire. Tout ce que l’on obtient en cédant un peu d’or, repas, vêtements chauds, hébergement, champagne, loisirs, produits plus ou moins fantasmés, pour soi-même ou pour autrui, c’est ce qui vaut le coût. Mais qu’est-ce qui vaut le coût? C’est la vie réelle, excitante, qui a du sens, celle que l’on risque. Cette vie qui vaut le coup, où la trouver? L’encens, ce deuxième cadeau apporté par les rois mages à l’enfant Jésus, nous désigne de loin la réponse…

(A suivre dans : L’encens des rois mages)

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