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L’œcuménisme en Suisse, un don pour l’Église

En postulant pour un doctorat à la Faculté Autonome de Théologie Protestante de l’Université de Genève (UNIGE), j’étais profondément convaincu que mon itinéraire intellectuel et spirituel rencontrerait les valeurs œcuméniques qui charpentent la vie chrétienne en Suisse. Un jésuite qui étudie à Genève, la cité de Calvin, à la Faculté qui trouve ses origines dans les entrailles même de la Réforme, c’est un fait trop rare pour ne pas être mentionné. Si mes motivations à rejoindre la Faculté de Théologie de Genève étaient davantage intellectuelles qu’historiques, désireux de travailler avec le Professeur Andreas Dettwiler (Professeur de Nouveau Testament et grand érudit en littérature paulinienne), j’avais conscience que la Faculté de Genève m’ouvrait à un nouveau monde, différent de celui que j’avais toujours connu dans mon parcours académique et intellectuel.

Cette conviction s’est très vite concrétisée quand une collègue de la Faculté, Lauriane Savoy (Docteure en théologie pratique et chercheuse en ecclésiologie protestante) m’a proposé de participer comme prêtre au «Camp Biblique Œcuménique de Vaumarcus» (CBOV). J’ai répondu à cette invitation positivement avec beaucoup d’enthousiasme, ayant conscience de l’opportunité que j’avais de partager la Parole de Dieu avec des chrétiens de plusieurs horizons et des différentes doctrines ecclésiastiques. Mon intérêt pour ce camp d’été à Vaumarcus était lié à son caractère biblique et œcuménique.

La TOB, outil de dialogue

Comme exégète du Nouveau Testament et de la littérature paulinienne en particulier, je reste un grand admirateur du travail scientifique et du cheminement spirituel qu’ont connu les traducteurs de la TOB. Catholiques, protestants et orthodoxes étaient réunis au début des années soixante du siècle dernier pour offrir à la chrétienté une traduction de la Bible commune aux diverses confessions chrétiennes. La TOB n’avait pas la prétention de mettre un terme aux divergences doctrinales qui séparent les Eglises, encore moins éliminer les traductions en usage encore aujourd’hui dans les différentes confessions. Elle attestait simplement qu’il était devenu possible, dans un climat favorable de dialogue et dans une commune référence à l’Ecriture, de proposer une Bible traduite et annotée en commun.
Très souvent on passe sous silence le fait que, les responsables de la TOB avaient décidé de commencer leur travail par la lettre aux Romains. Ils étaient convaincus que la TOB ne se heurterait pas à des obstacles infranchissables, si le texte qui avait fait l’objet de quatre siècles de controverse et de division pouvait être présenté par une version agrée par tous.

Ce travail est, pour moi, un signe édifiant de l’humilité chrétienne qui assume les divergences et arrive à un consensus différencié, pour reprendre une expression du jésuite et théologien français Michel Fédou.

Et le CBOV a un « destin croisé » avec la TOB, puisqu’il a regorgé en son sein quelques contributeurs du texte œcuménique notamment Pierre Bonnard (Professeur de NT à la Faculté de Théologie de Lausanne et co-fondateur du CVOB, avec la Bibliste Suzanne de Diétrich, en 1943), et François Bovon (Professeur du NT à l’UNIGE). Et conscient de cet héritage historique de l’approche du texte biblique, je ne pouvais donc pas manquer l’opportunité de participer à un camp d’été qui centre son action et son programme autour de la Parole de Dieu.

Un cadre intergénérationnel

C’est ainsi que je me suis retrouvé à Vaumarcus (du 3 au 9 juillet 2022), magnifique localité de la Grande Béroche, surplombant le lac de Neuchâtel, à partir de laquelle on peut admirer chaque matin le soleil levant. Grande était ma joie de me retrouver dans un cadre intergénérationnel qui m’a semblé très familial, rassemblant une centaine des personnes de tous âges confondus, des familles entières parfois venant de la Suisse Romande, des cantons alémaniques ou même de France. Chaque année ce camp d’été se tient autour d’un texte ou d’une thématique biblique, ayant été préparé en amont par par un groupe des théologiens et théologiennes, qui proposent ensuite une série d’activités autour de la thématique. Ces activités sont effectuées en atelier où l’on fait résonner les textes bibliques tout au long de la semaine à travers une technique spécifique aux animateurs (manuelle, sportive, artistique, théologique…). Chaque participant est libre de choisir un atelier à sa convenance à l’exception des enfants, des pré-ados et des ados qui forment chacun leur groupe autour d’animateurs pleins d’enthousiasme. Ceux-ci adaptent la thématique et les textes bibliques proposés à des activités beaucoup plus ludiques ou aux problématiques liés aux ados par exemple.

Cette année, le thème général du CBOV était «Rencontres avec Jésus Ressuscité». Après deux années d’interruption dues à la pandémie de la Covid-19, le CBOV a réouvert ses portes et tous les participants ont pu ressentir cette joie et ce bonheur de se retrouver frères et sœurs en Christ. Pour ma part, je faisais ma première expérience à Vaumarcus. Pour une entrée en matière, j’ai eu à participer à un atelier dénommé «Parole et Image». Nous avons échangé sur la Parole de Dieu en lisant certains textes de la Résurrection et en analysant comment ces textes ont été mis en image dans l’iconographie chrétienne au long des siècles. Ces échanges ont été très fructueux, émanant des chrétiens venant des horizons différents; des laïcs qui partageaient sur leur expérience de Dieu, de la foi, de la rencontre avec le Christ.
L’un des temps fort de ce camp aura été, pour moi, cette grande célébration liturgique que j’ai eu à co-présider avec la Pasteure Sophie Mermod-Gilliéron. Cette célébration préparée et mise en place par des laïcs catholiques et protestants n’était ni la célébration eucharistique catholique ni la Cène protestante, elle était simplement une prière, une rencontre, une union des cœurs dans laquelle tous les participants au Camp avions partagé le pain et le vin en mémoire du repas du Seigneur. Exhortant cette assemblée des chrétiens, Sophie Mermod-Gilliéron dit: «C’est une jolie image de l’Église, de nos Églises, différentes et sœurs, contrastées et respectueuses, et capables de s’épauler et de dialoguer, pour être témoins du Christ vivant devant le monde –ce monde magnifiquement symbolisé par l’horizon si bleu du lac de Neuchâtel!– et pour être au service de tous, en ouverture et en vérité».
C’est donc là, à Vaumarcus, sublimé par la resplendissante beauté du lac de Neuchâtel, que j’ai fait véritablement ma première expérience de l’œcuménisme, de la communion du peuple de Dieu qui est en Suisse, ayant comme pilier fondamental de la foi : la rencontre de Jésus Ressuscité.

Ephraïm Nlandu sj

 

Ephraïme Nlandu sj est un jésuite d'origine congolaise qui rédige actuellement une thèse à Genève sous la direction du Professeur Andreas Dettwiler à l’UNIGE sur la théologie de la première lettre de Paul aux Thessaloniciens.
Le Père Nlandu sj a fait des études de philosophie (Bachelor) à la Faculté jésuite de Philosophie de l’Université Loyola du Congo (ULC, 2012), puis a obtenu une licence canonique en théologie à l’Institut de Théologie de la Compagnie de Jésus en Côte d’ivoire (ITCJ, 2017) et un master (SSL) en Écritures Saintes à l’Institut Biblique Pontifical de Rome (PBI, 2021). Il a en outre fait un semestre (2018-2019) de cours intensifs d’hébreu biblique, d’exégèse de la Torah, d’archéologie d’Israël biblique à la Hebrew University de Jérusalem.

 

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