Jésus et ses disciples se trouvent à Jérusalem, dans l’ambiance de la Pâque. Chaque année, la fête rafraîchit le souvenir de l’intervention divine qui a permis à Israël de retrouver son indépendance. Le sacrifice des agneaux, le repas festif, la grande prière de louange convoquaient le peuple à Jérusalem. Il ne s’agissait pas seulement de rendre grâce et de faire mémoire, mais de revivre collectivement le passage de la servitude à la liberté.
Le récit de Marc est riche en précisions minutieuses. La rencontre avec un porteur d’eau, la recherche d’une maison pour le repas, la salle à l’étage et son arrangement, autant de détails qui soulignent l’importance de l’événement.
Le repas se déroule selon un ordre bien établi. Cette année-là, Jésus, déjà condamné à mort par les grands-prêtres, reprend à son compte le rite qui commémorait l’intervention de Dieu en faveur de son peuple tout en lui donnant une nouvelle signification. «Ceci est mon corps» dit-il en leur donnant une bouchée de pain, et pour la coupe «Ceci est mon sang». En araméen, le mot «corps» ne désigne pas la chair humaine mais la personne tout entière. Quant à la coupe, les disciples ne boivent pas du sang humain; ils ne sont pas des anthropophages, mais ils communient à Celui qui a dit :
«Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mc 10,45)
Pour sceller une nouvelle Alliance entre Dieu et l’ensemble de l’humanité.
L’ancienne alliance marquait le passage entre la servitude en Égypte et la libération du peuple; l’institution de l’eucharistie trace une ligne de démarcation entre un avant et un après dans la compréhension des relations entre Dieu et l’humanité, le passage du régime de la Loi à celui de l’amour, d’une vie donnée pour le salut du monde.
Loin d’être un objet liturgique et sacré, l’eucharistie est d’abord une nourriture destinée à être assimilée pour devenir la propre chair –la vie– de ceux et celles qui la consomment. Se nourrir d’une vie donnée jusqu’à la mort pour en faire sa propre vie est un défi disproportionné pour les forces humaines. Si cet aliment implique une exigence, il est aussi, comme toute nourriture, gage de santé et de vigueur pour vivre ce qu’il signifie.
«L’eucharistie: un défi à relever» (Mc 14,12-16 ; 22-26) – Méditations du dimanche 2 juin par Pierre Emonet sj