En une certaine occasion, Jésus avait rappelé à ses disciples que «le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mc 10,45). Au moment où le cercle de la haine se resserre autour de lui, et qu’il est pratiquement condamné, on peut se demander comment il va réagir. Loin de faire marche arrière, Jésus ne fléchit pas, mais il affronte sa mort en posant un geste sans équivoque. Sa vie est donnée jusqu’au bout, voilà le trait essentiel que ses disciples doivent garder de lui. C’est autour de ce centre que la communauté chrétienne se réunira désormais, qu’elle retrouvera ses origines et sa raison d’être. L’eucharistie fait l’Église, et l’Église fait l’eucharistie en a conclu un grand théologien (de Lubac).
Jésus profite du repas pascal des juifs pour transmettre ce message à ses disciples. En donnant une bouchée de pain à chacun, il reprend à son compte le rite qui commémorait l’intervention de Dieu en faveur de son peuple. «Prenez, ceci est mon corps». En araméen, le mot «corps» ne désigne pas la chair humaine, comme pourrait le comprendre une mentalité matérialiste, mais la personne tout entière. Les disciples reçoivent une vie donnée, sans repentance jusqu’à la mort. Ils sont invités à y communier.
Puisque tout cela se passe au cours d’un repas, il s’agit de nourriture. Qui mange, assimile des aliments qui nourrissent en lui force et santé. Communier à la vie donnée du Christ, c’est assimiler une dynamique de désappropriation de soi pour le moins radicale. Mais l’eucharistie est aussi l’aliment généreux qui donne la force et l’énergie d’y consentir en dépit de la faiblesse humaine. «Mange sinon la route sera trop longue pour toi», a dit l’ange du Seigneur au prophète fatigué et dépassé par les exigences de sa mission (1 R 19,1-8).
«L’eucharistie, défi et soutien» - Méditation de Pierre Emonet sj pour ce dimanche 6 juin 2021