Dès la fondation de Radio Vatican en 1931, les jésuites délivrent le message chrétien en de multiples langues.
En 1934, Friedrich Muckermann alerte, « Le moment est crucial pour l’Église. Des Droits de l’humanité sont en péril. », le jésuite est rappelé à l’ordre, il ne peut pas parler contre la politique du Pape. Certains succombent à l’attrait de Vichy et au mea culpisme de 1940, dont les autorités de la Compagnie. D’autres fournissent les armes intellectuelles de la résistance chrétienne et interrogent le primat de l’obéissance sur les valeurs évangéliques à l’exemple d’Yves de Montcheuil, fusillé au Vercors.
Les Cahiers du Témoignage chrétien de Pierre Chaillet sont imprimés illégalement et sans l’accord de sa tutelle ecclésiale, ce qui est interdit à tout clerc, dès l’automne 1941. À Vatican II, Augustin Bea, Karl Rahner, John Courtnay Murray et d’Henri de Lubac illustrent ce rôle renouvelé d’influence et de référence de la Compagnie. L’américain Murray est un protagoniste essentiel du texte sur la liberté religieuse de 1965, Dignitatis Humanae, qui promeut la tolérance, la reconnaissance d’un droit à la croyance de toutes les expressions spirituelles et un dialogue avec les athées.
Le jésuite selon Ignace devait être un homme de grande culture humaine et théologique dans le but d’être apôtre. La quête de la science n’est pas une fin mais un moyen inféodé à un objectif religieux. Des jésuites s’illustrent dans l’élaboration de dictionnaires – ou comment convaincre sans maîtriser la langue, dans le cadre de missions à l’étranger – et dans les sciences : le mathématicien, Christopher Clavius au XVIe siècle, le polygraphe et esprit universel Athanasius Kircher et l’astronome Matteo Ricci au XVIIe siècle, le paléontologue Teilhard de Chardin au XXe siècle.
Dans les années 1960-1970, des jésuites comme Michel de Certeau participent aux courants les plus novateurs des sciences humaines, sémiologie, psychanalyse, histoire et sociologie. Il s’agit de repenser la théologie et l’exégèse, les conditions de la foi et les apports de la tradition dans un monde de plus en plus sécularisé. S’ils participent à cet essor, ils échouent à catholiciser ces « nouvelles » disciplines : ces nouvelles approches soulignent en effet le poids des structures jusque dans le langage, dévoilent le système de signes qui s’impose à tous parfois même de façon inconsciente, au moment où dans l’Église et la Compagnie s’élabore un humanisme chrétien.
À l’activité missionnaire et intellectuelle s’ajoute rapidement l’enseignement. Au XVIIIe siècle, l’Europe, l’Inde et l’Amérique Centrale et du Sud comptent environ 600 établissements qui sont la providence des parents en quête d’études solides et d’orthodoxie spirituelle. L’attention à la pédagogie sanctifie le savoir et accorde une grande place à la science moderne, ce qui renforce leur succès. S’y jouent du théâtre et des musiques religieuses, s’y publient des ouvrages pour la jeunesse qui doivent christianiser tout en moralisant et moraliser tout en évangélisant. La Compagnie de Jésus s’associe durablement à la formation des élites.
Les jésuites incarnent le voyage et le martyr. François Xavier traduit en tamoul le Credo, les dix Commandements et le Pater Noster. De la Chine au Paraguay, les marges du catholicisme attirent la Compagnie avec succès (les Indes) ou en échouant (le Japon). Les partisans d’une adaptation aux coutumes et usages locaux affrontent les défenseurs d’un christianisme pleinement orthodoxe, jusqu’au refus en 1704 de rites propres à chaque pays par le Vatican.