• Pierre-Laurent Durantin de Pixabay

Les enjeux climatiques des vacances d’été

Le 16 mai dernier, le journal 24 Heures reflétait l’avis de quelques 1500 personnes interrogées par Internet sur leur projet de vacances d’été. Certes, comme le rappelle l’autrice de l’article, cette cohorte de 1500 personnes n’est pas représentative de l’ensemble de la Suisse. Car les biais statistiques sont trop évidents (usage d’Internet qui sélectionne déjà, volontariat des sondés, généralité des questions…) L’analyse des structures par âge, professions, niveau de vie eut été la bienvenue.

Tels quels cependant, ces résultats empiriques révèlent déjà que des Suisses restent imperméables à l’enjeu climatique de leurs dépenses de vacances: seuls 17% de ceux qui ont répondu au questionnaire resteront au pays; les autres, délaissant les lacs helvétiques, rejoindront à l’étranger les rivages marins ou les montagnes. Les moyens de transport seront principalement l’avion ou l’automobile.

Ces choix qui s’éloignent de la doxa écologique s’expliquent d’abord pour des raisons budgétaires. Le coût du transport aérien low-cost et des séjours en hôtel à l’étranger (privilégié chez ceux qui ont répondu), favorisé par la force du franc suisse, rendent moins attractives les vacances sur le territoire national. Mais j’épingle une autre raison, soulignée par la sociologue qui présente les résultats de cette enquête: «L’envie de retrouver ses libertés d’antan l’emporte sur les efforts climatiques, et certains s’autorisent l’avion parce qu’ils n’ont pas pu voyager autant qu’ils le souhaitaient avec les mesures sanitaires

Si je comprends bien, il y aurait une sorte de compensation quasi-arithmétique entre le CO2 économisé du fait de la restriction consécutive à la pandémie, et le CO2 supplémentaire émis lors des prochaines vacances. (Seuls 12% des sondés envisagent de compenser –sans préciser comment– les effets négatifs pour l’écologie de leurs prochaines vacances.)

Ces constats conduisent à penser que les habitudes d’avant la pandémie reprennent dès que les contraintes administratives se desserrent. C’est ce qu’en conclut l’autrice de l’article, avec une pointe de regret, comme le laisse penser le titre: «Pour cet été les vacances au soleil l’emportent sur l’enjeu climatique».

Le moraliste peut s’en désoler, car comment accéder à une vie bonne en hypothéquant l’avenir de la planète. Le fataliste y verra soit la stérilité des avertissements du GIEC, soit l’absence d’effet des médiatiques indignations de la jeunesse devant l’irresponsabilité des nantis. Le cynique surmontera sa mauvaise conscience en s’aveuglant sur les effets globaux de ses décisions individuelles. Pour ma part, je ne peux que transposer pour les inconscients du climat ce que les bolcheviks disaient des capitalistes à la recherche du profit: «Ils nous vendront même les clous qui serviront à les pendre.»

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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