Le poids économique de la guerre

Depuis hier, 1er mai 2022, à Genève, le prix du gaz naturel a augmenté de près d’un tiers. Maigre consolation, les tarifs du gaz naturel restent dans la moyenne suisse. Les Services industriels de Genève (SIG) ne font que répercuter la hausse sur les marchés internationaux (avec un peu de retard pour tenir compte de la période hivernale).

Cette hausse des prix du gaz profite aux pays producteurs, à la Russie en premier lieu qui a réussi, en exigeant d’être payée en rouble, à maintenir vaille que vaille la valeur du rouble sur le marché des changes. Le refus de la Pologne et de la Bulgarie de se soumettre à cette exigence a conduit la Russie à ne plus les approvisionner en gaz. Ce qui ne va pas changer grand’ chose, car ces deux pays seront approvisionnés par les autres pays européens qui eux, se sont soumis au diktat russe, ce qui ne contribuera pas à faire baisser à court terme le prix du gaz, bien au contraire.

La hausse du prix du gaz va également profiter aux USA, qui y voient une opportunité pour vendre leur gaz de schiste –beaucoup plus cher que le gaz russe– à des pays qui, comme la France, ont refusé toute exploitation de gaz de schiste sur leur territoire. Comme quoi, la guerre économique emporte sur son passage la stratégie écologique.

J’épingle cette situation bien documentée, tant écologique qu’économique, pour souligner l’enjeu social du problème. Cette conjoncture économique touchant le gaz (et bientôt d’autres produits) ne peut que rogner le pouvoir d’achat des ménages, directement du fait de l’augmentation des factures de gaz et de l’électricité qui généralement lui est lié. (En effet le prix de l’électricité reflète son coût marginal –c’est à dire s’adapte au coût de la dernière unité produite (la plus chère), le plus souvent par les centrales électriques fonctionnant au gaz.) Le pouvoir d’achat des ménages sera également rogné indirectement par l’augmentation des coûts de production des produits.

Les ménages bénéficiant d’un certain pouvoir de négociation salariale pourront plus facilement de couvrir –à peu près– contre cette inflation qui, désormais, ne peut être cachée. Pour les autres, force sera de faire appel à la solidarité nationale, qui ne peut passer que par une politique de subventions ciblées et de redistribution pugnace.

 

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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