Si les Apôtres ont rencontré Jésus et fait le choix de le suivre, ce n’était pas pour jouir des délices d’une vie dévote, d’un pieux farniente pseudo mystique. Leur nom dit bien leur nouvelle identité, ils s’appellent apôtres c'est-à-dire envoyés. Leur vocation est de s’en aller à la rencontre des hommes et des femmes qui luttent et souffrent aux prises avec le mal, menacés par toutes sortes de mauvais esprits plus vigoureux que leurs idéaux et leur bonne volonté.
Jésus n’envoie pas des professeurs, des fonctionnaires ou la police des mœurs, mais des hommes et des femmes qui ont fait le choix de le suivre, séduits par son message de justice, de miséricorde, d’amour, de paix. Au moment de leur départ, il leur transmet ses instructions sous la forme d’un authentique manuel du bon missionnaire. Qu’ils ne se lancent pas dans une campagne personnelle pour propager leurs propres phantasmes et autres lubies pieuses et bien intentionnées. Pour être crédibles, ils iront deux par deux, en équipe, en communauté, en Église dira-t-on plus tard. Leur style de vie doit confirmer leur discours. Qu’il ne transpire pas l’ambition du pouvoir, la recherche du profit ou la promotion personnelle. Il en va de la crédibilité de leur parole. La garde-robe, la table, l’hébergement, leur manière de se présenter, tous ces signes extérieurs doivent incarner l’idéal qu’ils annoncent. Pour être proches de ceux et celles auxquels ils sont envoyés, qu’ils ne visent pas les places d’honneur, les titres, les décorations, tout ce qui pourrait faire d’eux des notables, des hommes à part qui oublient qu’ils se présentent au nom du Fils de l’homme qui «n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour le multitude» (Mc 10,45).
Le message que Jésus confie à ses Apôtres n’est en aucune façon une mise en demeure. Il s’agit d’une proposition adressée à des hommes et des femmes qui souffrent, qui luttent contre le mal, qui se questionnent sur le sens de leur vie. Qu’ils découvrent un Dieu proche et bienveillant, plus fort que les maux qui les accablent, en qui ils peuvent mettre leur confiance. Jésus ne demande pas à ses apôtres de convaincre à tout prix leurs auditeurs. Le message qu’ils sont chargés de leur apporter est une proposition laissée à leur libre choix. S’ils se heurtent à un refus, qu’ils ne se culpabilisent pas ni ne se vexent. Ils ne sont pas chargés de faire du chiffre et de remplir des statistiques. L’échec fait partie du programme. Sans brandir les feux de l’enfer contre ceux et celles qui font d’autre choix, qu’ils aillent voir plus loin. Cet ultime conseil de Jésus devrait rassurer les nombreux parents qui se font d’amers reproches et se sentent fautifs lorsque leurs enfants abandonnent la pratique religieuse qu’ils ont tenté de leur inculquer. Là encore, Jésus est celui qui guérit et chasse l’esprit qui trouble.
« Le manuel du bon missionnaire » (Mc 6,7-13) – méditation de Pierre Emonet sj pour ce 15e dimanche du temps ordinaire