Le cardinal Hollerich sj: «Nous sommes une Église en épreuve»

À Rome, le cardinal Jean-Claude Hollerich 64 ans, est le rapporteur du Synode sur la synodalité qui se réunira en octobre 2023. Le jésuite luxembourgeois, convaincu de la pertinence de la démarche engagée un an, prépare activement des synthèses destinées aux conférences des évêques de chaque continent.

Propos Recueillis par Hugues Lefèvre

Comme président de la Commission des épiscopats de l’Union européenne (COMECE), le cardinal Jean-Claude Hollerich sj participe activement à la réception des documents adressés par toutes les conférences épiscopales. Il prépare la phase continentale, c’est-à-dire le document de synthèse qui sera renvoyé aux évêques. La ligne est claire: se préparer à la grande rencontre des évêques du monde entier qui se tiendra dans un an au Vatican.

Le Synode sur la synodalité entame sa deuxième phase. Vous venez de passer quelques jours pour rédiger avec une trentaine de personnes le document de la phase continentale. Êtes-vous satisfait du travail réalisé?
Jean-Claude Hollerich: Tout à fait. Il s’agit d’un résumé honnête de ce que les gens ont dit et de ce que les conférences épiscopales ont déjà synthétisé. Nous avons trouvé des points communs entre les synthèses, mais aussi des différences entre les pays et les continents. D’ici à la fin du mois d’octobre, ce document sera remis aux évêques, dans un esprit de circularité.  

Est-ce que les choses se précisent dans votre esprit?
Les choses doivent encore avancer. Cela va dépendre aussi du travail des assemblées continentales. Mais nous pouvons nous réjouir car c’est la plus grande participation que nous n’ayons jamais eue dans l’Église catholique. 112 conférences sur 114 ont répondu. C’est presque un miracle!
J’avais pensé à une large participation, mais pas à ce point. Maintenant, il faut être à l’écoute de ce que le peuple a dit. Cela ne signifie pas nécessairement que nous devrons tout exécuter. Il faut écouter, réfléchir, prier, discerner.

«112 conférences sur 114 ont répondu. C’est presque un miracle!»

En Europe, l’exercice de la synodalité semble dnouveau. Comment l’expliquez-vous? Pourquoi l’Europe n’a pas su réaliser ce que l’Église en Amérique du Sud est parvenue à faire?
Rome fait partie de l’Europe. Je crois aussi qu’on est toujours plus indépendant lorsqu’on est loin du centre, et cela sans aucun jugement. Aujourd’hui, le Saint-Siège souhaite que les évêques soient plus actifs en ce qui concerne la synodalité.    

En Europe, nous avons des conférences épiscopales nationales très fortes, avec de grandes conférences épiscopales, l’italienne, la française, la polonaise, l’allemande, etc. Une autre différence avec l’Amérique est que nous n’avons pas la même langue et que les cultures ecclésiales sont très différentes. Cette deuxième phase du synode peut être le début d’une collaboration plus étroite entre évêques européens. Je l’espère, car nous avons un peu trop d’Églises nationales en Europe.

Mais d’aucuns disent que certaines tensions menacent aujourd’hui la communion de l’Église…
J’aime cette image: l’Église est le Peuple de Dieu en chemin avec le Christ. Sur ce chemin, il y en a qui vont vite et d’autres un peu plus lentement, certains marchent à gauche et d’autres à droite. C’est normal. Ce qui est essentiel, c’est que tous regardent vers Jésus.
Et si je suis à droite du chemin et que je regarde Jésus, je verrai en même temps ceux qui sont à gauche. Et quand je suis à gauche et que je regarde Jésus, je verrai les personnes qui sont à droite, et je dois les inclure dans mon amour pour Jésus, ne jamais douter de leur fidélité au Christ. Si nous marchons sans regarder le Christ, c’est la débandade! 

Lors du concile Vatican II, l’Église avait connu une floraison de grands théologiens. Le Synode sur la synodalité stimule-t-il la réflexion théologique?  
L’Europe est beaucoup moins chrétienne et il y a donc moins de théologiens. Il y en a encore de très bons, mais ce n’est peut-être plus l’ère des géants, des Ratzinger, des Congar, des Rahner. Mais nous reposons encore sur leurs épaules car le Synode réalise Lumen Gentium. A Vatican II, il y a deux grands axes: la collégialité des évêques – ce que Vatican I n’avait pas su terminer à cause des événements de l’époque – et la perception de l’Église comme Peuple de Dieu en marche. Nous n’avons pas assez réfléchi sur ce que signifie le sacerdoce des baptisés.

C’est un point sur lequel le Synode travaille. Naturellement, la hiérarchie va changer, et les évêques et les prêtres devront exercer leur ministère dans une Église plus à l’écoute. Mais cela ne veut pas dire que ce que nous avons vécu auparavant ne soit plus vrai.

«J’ai parfois l’impression que le navire est en train de couler et que nous nous querellons sur la direction que le bateau aurait dû prendre.»

La récente prise de position des évêques flamands sur la pastorale destinée aux personnes homosexuelles peut-elle crisper les débats entre les épiscopats européens?
Certainement. Mais tant que nous parlons de pastorale, il y a beaucoup de possibilités. Nous n’avons pas la même culture ecclésiale en Europe. Or, l’Église doit vivre dans une culture. Cela ne veut pas dire qu’elle dépend entièrement de la cultures; non, on ne peut pas tout accepter. Mais il y a quand même une inculturation du message de l’Évangile qui comporte toujours un double sens: l’Évangile questionne la culture, mais la culture agit aussi sur l’Évangile.

Les vocations et la pratique religieuse diminuent en Europe. Un sursaut est-il possible?
En Europe, l’Eglise est vieillissante. Partout, même à l’est, on observe une baisse significative. J’ai parfois l’impression que le navire est en train de couler et que nous nous querellons sur la direction que le bateau aurait dû prendre. Il faut plutôt s’attacher à réparer le navire.
Cette phase continentale est une occasion de nous centrer sur la mission de l’Église. Tout d’abord: proclamer le Christ mort et ressuscité pour nous. Et cela se vit aussi en étant actif pour l’environnement, la justice ou bien la paix.

La démarche synodale suscite des attentes nombreuses. Craignez-vous que cette consultation ait pu générer des espérances – ordination des hommes mariés, changement de la morale sexuelle, femmes diacres – qui soient déçues in fine?
Il faut rester en dialogue avec les personnes. Nous reconnaissons les attentes, et c’est un dialogue honnête, presque de cœur à cœur, qu’il faut mener. Sur les résultats, tout dépendra aussi du Saint-Père. La primauté du pape fait partie de notre foi catholique.  

«A la longue, le Saint Esprit va nous montrer le chemin pour savoir où avancer.»

Vos 23 années passées au Japon vous aident-elles dans votre mission de rapporteur?
Elles me sont très utiles. Je suis né dans une Église très traditionnelle au Luxembourg. Mais au Japon, cela n’existe pas. Ce fut pour moi la tempête en mer, durant laquelle toutes mes certitudes de foi ont disparu.
Je pense que l’Église en Europe fera le même chemin. Cela ne veut pas dire qu’il faut jeter à la poubelle ce qui se faisait. Mais ayons conscience que nous sommes une Église en épreuve et qu’il faut toujours chercher Dieu là où il est pour s’en sortir, pas dans le passé. 

Avez-vous la sensation que les débats qui agitent l’Église ne sont pas les bons?
Je le pense. Mais cela ne doit en rien diminuer l’attention que nous devons porter aux personnes homosexuelles ou bien divorcées remariées. Il faut avoir une réponse. (cath.ch/imedia/hl/bl)

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