• S’il est communément admis d’accueillir un concert dans un lieu de culte, qu’en est-il d’autres événements séculiers? © Pxhere

Le bon usage des lieux de culte

Mardi 23 août dernier, «la question de l’utilisation des lieux de culte par des tiers a été posée au Conseil d’État vaudois. Propriété des communes, ceux-ci sont dans les faits souvent gérés par les Conseils de paroisse, qui préfèrent parfois les laisser vides plutôt qu’occupés par une affectation non sacrée.» Cette information attire mon attention sur trois problèmes, le premier d’ordre juridique, le second d’ordre théologique. Le dernier, combinant les deux précédents, relève de la sociologie religieuse.

Sur le plan juridique, la législation repose sur un principe de collaboration et d’accord entre les Conseils de paroisse et les municipalités.

«La loi ne pose qu’une obligation implicite de mise à disposition des lieux de culte. L’article 17 Leccl prévoit en effet qu’aucune réunion autre que celles organisées par le conseil paroissial ne peut avoir lieu dans une église servant au culte. […] L’article 17 Leccl institue une co-responsabilité du propriétaire et de l’utilisateur dans le contrôle des activités extra-paroissiales.»

En France voisine, la situation juridique est nettement plus claire concernant l’usage des lieux de culte bâtis avant la loi de 1905 et propriété des communes (ou de l’État pour les cathédrales). Selon la loi française, confirmée à de multiples reprises par la plus haute instance judiciaire administrative, il n’y a pas coresponsabilité dans l’usage. Les lieux de culte sont «affectés» à une religion particulière. Est exclue l’initiative des municipalités quant à l’usage. Il n’en va donc pas de même dans le canton de Vaud; d’où la question posée en août dernier au Conseil d’État vaudois.

La question théologique est posée par la formule utilisée par le média qui rapporte l’information. Le texte évoque les «affectations non sacrées». La question est donc de savoir si un temple est un lieu sacré. J’en doute. Car ce qui, dans la tradition chrétienne, est sacré, ce n’est pas le bâtiment, c’est le temple intérieur, la personne humaine. Temple intérieur vu plutôt sous l’angle de la communauté des fidèles chez les catholiques, sous l’angle de la vie individuelle de l’âme chez les protestants. Certes, le symbole peut être prégnant pour la communauté concernée, qui délègue à la brique et à la pierre le soin de porter ce qui est «sacré» (littéralement «intouchable»). Cela vaut même en dehors de la sphère religieuse, pour les symboles de la République, par exemple. Mais cette sensibilité qui accorde aux objets (immobilier ou mobiliers) un caractère sacré, me semble une dérive non chrétienne vers l’idolâtrie.

D’où (troisième problème) cette récrimination implicite qui relève de la sociologie religieuse:

«Dans les faits on constate que souvent les municipalités et Conseils communaux désirent que ces locaux inutilisés, propriété des communes, soient plus régulièrement mis à la disposition de tiers pour différentes activités laïques, certains conseils de paroisse s’y opposent de manière ‘parfois assez rigide, voire arbitraire’»

Ce problème de sociologie religieuse témoigne du fossé grandissant qui sépare une certaine sensibilité religieuse de l’idéologie fonctionnaliste à laquelle se réfèrent spontanément la plupart des gestionnaires publics. Il ne peut être résolu que par un arbitrage politique, qui conduit, normalement à une clarification de la loi.

 

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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