Le début de l’année universitaire me donne l’occasion de reposer la question que turlupine la plupart des étudiant(e)s et leurs parents. Cette question un journaliste la posait récemment dans Le Figaro–Étudiant le 26 août dernier: «Qu’est-ce qu’un “vrai diplôme” ?»
La culture française, centralisatrice et jacobine, chevillée dans l’esprit de l’Hexagone, a conduit tout naturellement le journaliste à s’adresser à un haut fonctionnaire du Hcéres (Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur). Le représentant de l’administration a récité la leçon attendue. Par ordre d’importance qui présuppose que l’État fait a priori mieux que tout le monde dans tous les domaines, le fonctionnaire a énoncé les quatre genres de diplômes… selon leur rapport à l’administration étatique: d’abord les diplômes nationaux, dont l'État a le monopole; puis les diplômes reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche; vient ensuite les formations reconnues par le Ministère du Travail; enfin les diplômes non reconnus par l’État, dit ‘d’établissement’ qui, sous certaines conditions, peuvent recevoir des subventions publiques.
Le souci du journaliste rejoint le souci des étudiant(e)s et de leur famille, celui des ‘vrais’ diplômes. L’administration concernée s’affronte ici au grand nombre de diplômes à évaluer : 7000 rien que pour les universités françaises, à quoi s’ajoutent près de 1500 pour les diverses écoles post-baccalauréat, sans parler des multiples diplômes dit d’établissements qui se multiplient d’année en année.
Derrière cette évaluation administrative se cache le point central: cette bureaucratie donne-t-elle à l’étudiant(e) un critère opératoire pour faire correspondre ses compétences et ses aspirations avec l’offre, en qualité, en durée de formation et en coût? L’interviewé parle d’emblée des critères purement académiques (nombre et niveau universitaire du corps professoral, nombre d’heures de cours et de travaux dirigés, encadrement personnel). Puis – plus intéressant pour l’étudiant(e) – vient le critère des débouchés: taux d’insertion dans la vie professionnelle, rémunération moyenne à l’embauche. Ce qui, pour la plupart des étudiant(e)s est l’horizon premier (car rares sont ceux qui ne se forment pour le seul plaisir de cultiver les sciences et les arts); enfin vient le prix de la scolarité et le coût de la vie étudiante.
Dans cette logique, j’épingle une formule hasardeuse utilisée par l’interviewé qui parle de «la qualité de l’équipe pédagogique». C’est comme un blé de qualité: l’agriculteur, le stockeur, le meunier, le boulanger ou le consommateur en attendent des qualités très différentes, et souvent contradictoires (rendement à l’hectare, résistance à la pression, meulage, pétrissage, bon goût et diététique). Ainsi, la qualité de l’équipe pédagogique est comme la girafe: je ne sais pas la dessiner; mais, comme tous ceux et celles qui ont suivi une formation, quand elle est là, je sais bien la reconnaître. La raison? Ce qui est attendu d’un pédagogue varie beaucoup selon le récipiendaire et s’adapte donc mal à une évaluation administrative. Selon le proverbe:
«Pour enseigner l’anglais à John, il faut bien sûr connaître l’anglais, mais il faut aussi connaître John.».
Et la connaissance de John est indéfinie. Tous ceux qui ont enseigné durant plusieurs décennies savent que les étudiant(e)s d’aujourd’hui bénéficient d’une culture, en perpétuel changement, qui n’a pas grand’chose à voir avec celle de leurs aîné(e)s, sans parler de leur maturité qui diffère fortement de celle des générations d’hier. La succession des ‘modes’ en pédagogie en porte témoignage.