Par sa seule présence physique Jésus rassurait ses disciples. Mais, incarnation oblige, vint le jour de les laisser seuls dans un monde compliqué. À eux, désormais, de faire preuve de courage et d’imagination pour témoigner de ce qu’ils ont vécu et appris auprès de leur Maître. L’histoire toujours nouvelle les provoque à de perpétuelles mises-à-jour. Jésus sait bien que ses disciples ont encore beaucoup à apprendre, aussi ne veut-il pas les laisser orphelins et démunis pour affronter les surprises du futur. Il leur promet un autre accompagnateur, un défenseur, une sorte d’avocat qui prendra le relais en les assistant. Il ne s’agit plus d’une personne physique, mais d’une instance intérieure, un Esprit, un souffle de vie divine actif au plus intime de leur être. Il les éclairera et leur insufflera l’amour et l’espérance dont ils ont besoin pour vivre et témoigner de ce qu’ils ont vécu auprès de lui.
«Tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va» (Jn 3,8).
Après le retour de Jésus auprès du Père, le disciple qui veut rester fidèle à son enseignement est invité à tourner son attention vers l’hôte intérieur sans se laisser dérouter par l’illusion d’un retour en arrière pour retrouver le Christ du passé, objet de l’histoire et des sciences. Les romanciers peuvent écrire de séduisantes vies du Christ, les exégètes scruter les Écritures et les théologiens disserter à perdre haleine sans pour autant rejoindre le Christ présent par son Esprit dans le fond de leur être. L’approche savante et théorique peut rafraîchir des images ou des souvenirs, mais ne conduit pas nécessairement à la présence intérieure. C’est en prêtant attention aux divers sentiments qui agitent le fond de son être que le disciple de chaque époque avance dans l’existence. Dans la mesure où ces mouvements le motivent pour vivre en harmonie avec l’enseignement de l’Évangile, ils révèlent la présence de l’Esprit du Christ qui éclaire, enseigne et rassure. Le récit de la Pentecôte rapporté dans les Actes des Apôtres montre que cet Esprit parle toutes les langues, habite toutes les cultures, et vibre au gré de toutes les sensibilités.
Saint Pierre Favre, le maître du discernement, l’avait bien compris, qui écrivait dans son journal:
«Je vis plus clairement que jamais … à quel point il était important pour le discernement des esprits de voir si nous étions attentifs à des idées et à des réflexions ou bien à l’Esprit même, qui se montre à travers des désirs, des motions, de l’ardeur ou de l’abattement, de la tranquillité ou de l’inquiétude, de la joie ou de la tristesse, et d’autres mouvements spirituels analogues. Car c’est d’après ces motions, bien plus facilement que d’après les pensées mêmes, que l’on peut porter un jugement sur l’âme et sur ses hôtes. » Pour qui cherche à faire la volonté de Dieu, l’attention au réel, à ce qui se vit, l’emporte sur la connaissance intellectuelle. «Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits.» (Mt 11,25)
«La présence intérieure» (Jn 15,26-27 ; 16,12-15) - méditation de Pierre Emonet sj