• Animation explicative de la Loi fédérale sur les droits de timbre © Conseil fédéral - https://youtu.be/omBfVcXf5Dg

La loi n’est pas faite pour le charpentier... quoique.

Parmi les questions soumises à votation le 13 février prochain en Suisse, celui du droit de timbre, payé par 2300 entreprises chaque année pour une recette totale de quelques centaines de millions de francs, revient au-devant de la scène publique comme un serpent de mer, soit à chaque fois que le Parlement ou le Conseil fédéral envisage de le supprimer. Le 1% perçu sur les levées de capitaux à partir d'un seuil d'un million de francs (calculé sur toute la vie de l’entreprise) fait que les plus grosses firmes ne seraient pas les seules à bénéficier de la suppression du droit de timbre, qui concerne près de nonante pour cent de Petites et moyennes entreprises.

Les arguments des uns et des autres sont parfaitement rôdés et bien connus : d’un côté l’Union syndicale suisse avec les partis dits de gauche ; de l’autre côté economiesuisse et la plupart des Associations faîtières des diverses branches de l’économie nationale: banque, hôtellerie, arts et métiers etc. Les premiers craignent que ce «cadeau aux entreprises» ne se répercute sur une augmentation de la charge fiscale des contribuables. Les seconds soulignent que cet impôt moyenâgeux qui ne rapporte pas grand ’chose en comparaison des septante milliards du budget confédéral, hypothèque quand même la levée de fonds pour les investissements des entreprises, et donne symboliquement un mauvais signal à la finance internationale relativement au milieu fiscal helvétique.

Face à cette question comme devant la plupart soumises à votation, l’électeur que je suis, et qui veut agir en conscience, essaye de se départir d’une posture militante pour revêtir le costume redoutable d’un responsable politique affronté aux contradictions de toute vie en société (puisque mes solidarités sont multiples et contradictoires). Comme disait avec juste raison un Révolutionnaire de 1789: la loi n’est pas faite pour le charpentier ou pour le propriétaire terrien, elle est faite pour le citoyen. Certes ! Mais le citoyen est aussi charpentier, propriétaire, salarié, rentier… C’est pourquoi même si je couvre ma décision de l’idée d’intérêt général, il me sera bien difficile de ne pas refléter mon idéologie partisane.

Conscient de cette hypothèque, je tente d’éclairer mon penchant spontané, en envisageant les conséquences proches et lointaines de chaque option pour ceux et celles qui sont dans la plus grande faiblesse - et non pas nécessairement de la majorité (ça, c’est un principe de la doctrine sociale chrétienne, qui se distingue radicalement sur ce point de l’utilitarisme ambiant).

Mais, quelle que soit ma décision finale, elle ne pourra empêcher que s’imposent à moi les contradictions publiques de la vie sociopolitique: la répartition des richesses suppose qu’il y ait richesse à partager (ça, c’est l’argument productiviste sous-jacent à la position du Conseil fédéral et des responsables économiques); mais –contre les économistes qui séparent la science économique de la production et les sciences morales et politiques de la répartitio – la manière dont est faite la répartition conditionne le choix des produits et la manière de les produire.

J’épingle une dernière confusion apparue dès l’aube de la modernité. Contre l’évidence, une association, une entreprise, un pays n’a rien de commun avec l’individu. Du coup, je ne peux pas raisonner, au nom de la parité des contributions, comme si un prélèvement sur une entreprise équivalait au même prélèvement (en pourcentage) sur un individu. La fiction juridique qui fait de l’association, de l’entreprise ou de l’État une personne morale ne doit pas me cacher la différence de leurs natures, de leurs fonctions et de leurs responsabilités respectives.

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