J’épingle une confusion verbale possible –mais pas certaine– parue dans Le figaro du 12 avril dernier. À propos du salon horloger de Genève, le titre annonce «des trésors de complexité». De deux choses l’une: soit le journaliste a confondu les horloges à complications avec la complexité; soit il découvre la complexité dans la perplexité où le plonge l’ingéniosité du fabricant et le prix de l’objet; soit –ce que je préfèrerais– il apprécie les situations complexes qu’ont dû parfois trancher les artisans horlogers pour réaliser les ouvrages présentés. Une horloge –ou une montre– à complications est un objet qui fournit outre l’heure, les minutes et les secondes, d’autres fonctions tel le calendrier perpétuel, le chronographe ou plus encore.
On dit parfois avec raison que ces objets sont ‘plus complexes’ à produire, introduisant, non plus au niveau de l’objet mais pour l’artisan, la notion de complexité. La complexité n’est pas toujours présente. Car complexité désigne une situation où plusieurs solutions exclusives l’une de l’autre sont également possibles. La complexité naît d’alternatives difficiles à trancher. C’est ainsi qu’avec raison, le président du Comité olympique international Thomas Bach peut prétendre que: «Organiser les Jeux olympiques est peut-être le projet le plus complexe au monde»
En physique, la complexité procède de certaines ‘conditions-à-l’origine’ où le plus petit déplacement d’une variable produit des effets très différents dans le développement du système. Dans la vie de tous les jours, la complexité se manifeste dans les dilemmes affrontés. Il y a du ‘pour’ et du ‘contre’ dans chacune des options, et seule l’intuition –les philosophes diraient la liberté– de l’acteur permet de faire pencher la balance.
Un bon matérialiste refuserait sans doute cette idée d’intuition ou de liberté, invoquant simplement l’ignorance des conditions causales qui déterminent la solution adoptée. L’horloger compétent ne devrait donc jamais hésiter. Dans beaucoup d’autres domaines, l’organisation du travail tend à réaliser cet idéal matérialiste à coups de règlements, de décrets, de protocoles, de procédures et de rubriques. Le producteur devient alors aussi mécanique que l’horloge qui sort de ses mains. L’expérience de certains artisans horlogers s’inscrit en faux contre cette réduction de son art. Les montres à complications présentées au salon de Genève au printemps dernier en sont témoins. Pour réaliser de tels chefs-d’œuvre, que d’hésitations –et donc que de risques– a-t-il fallu prendre!