© Mark Mags de Pixabay

La bonne occase…

Les Grecs nommaient cela le Kaïros, l’occasion qu’il faut saisir sous peine de manquer une opportunité. Un professeur de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne utilise non pas le mot opportunité, mais un autre mot -anglais celui-là- pour désigner une qualité commune aux chercheurs scientifiques et aux artistes* Serendipity, francisé en sérendipité. La sérendipité est l’heureux hasard.

Qu’il s’agisse de la bonne occasion (eukaïros) ou de l’heureux hasard (sérendipité), dans les deux cas, la Providence ne suffit pas, ni pour le chercheur, ni pour l’artiste. Il faut un œil exercé, voire le désir de mettre à l’épreuve une hypothèse, pour repérer la bonne occase ou l’heureux hasard. Tous les chercheurs le savent. Je ne parle pas de la multitude qui cherche; mais de ceux qui trouvent. Car comme dit l’adage qui courre dans les laboratoires: «Des chercheurs qui cherchent, on en trouve; mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche.»

Le découvreur de la pénicilline, Flemming, a eu l’œil attiré par une boîte à pétri abandonnée sur une paillasse de laboratoire. Il y prêta attention non pas par hasard, ni parce qu’un génie malin lui souffla dans le creux de l’oreille la formule du premier antibiotique, mais parce que sa culture scientifique lui a permis de repérer un phénomène curieux. Un gramme d’inspiration pour un kilo de transpiration, dit l’adage.

Il en va de même pour la création artistique. L’imitation ne fait pas l’œuvre d’art; au mieux, elle ne conduit qu’à l’académisme, répétition stérile des grands anciens. Et cependant, il faut longuement copier, imiter les anciens, se soumettre aux protocoles pour repérer, un jour, que les formules reçues ne rendent pas compte d’un phénomène nouveau d’où jaillira peut-être le champ prometteur d’une nouvelle discipline.

Les chercheurs ont besoin d’«errance intellectuelle», dit le professeur de l’EPFL. Dans les équipes de recherche qui pratiquent le brainstorming (littéralement la tempête de cerveaux) cette méthode de prospective qui vise à percer les mystères de l’avenir, savent que l’important est plus la tempête que les cerveaux; car il s’agit de se défaire des routines qui figent l’intelligence. Je souscris pleinement à la formule, et même je l’élargie à tous ceux qui cherche un sens pour leur vie. Le peintre Jean Bazaine ne disait-il pas que tout l’effort de l’artiste consiste à se dépouiller des habitudes qui le corsettent.

 

*Le Temps du 23 juillet 2021

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