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Journée mondiale du réfugié: Gardez l'espoir!

À la fin de l’année 2020, 82,4 millions de personnes étaient déplacées dans le monde, ce qui représente le plus grand nombre de personnes déplacées jamais enregistré. En Allemange, en 2020, 106'685 nouveaux demandeurs d'asile ont été enregistrés. La plupart de ces réfugiés sont seuls, confrontés à un système dont la bienveillance et les lois conditionnent leurs vies. Deux fois par semaine, Sœur Regina Stallbaumer se rend au centre de premier accueil des réfugiés à Eisenhüttenstadt. Elle y travaille en tant qu'aumônière pour le Service jésuite des réfugiés (JRS).

Grâce à elle, les gens se sentent moins seuls face à leurs peurs, leur chagrin et leurs aspirations, et cela leur fait du bien d'avoir quelqu'un à qui se confier. Autant que possible, elle les oriente vers d'autres organismes d'aide, établit le contact et les accompagne vers la prochaine étape. Ainsi, elle est aux premières loges pour constater à quel point la force de vie des réfugiés est malmenée, même dans un lieu en apparence sûr, et elle lutte pour que ceux-ci ne perdent pas espoir. Depuis plus de 40 ans, le JRS - une organisation caritative fondée par les jésuites- vient en aide aux réfugiés dans le monde entier. Le JRS se donne pour mission d'accompagner les personnes déplacées, pour renforcer leur capacité à prendre leur avenir en main et à défendre leurs intérêts. Les actions de Sœur Regina Stallbaumer sa s'inscrivent dans cette optique.

Le destin de Tariq

À l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés de ce 20 juin 2021, #worldrefugeeday, elle évoque le destin Tariq (prénom d'emprunt):
«Il faut que l'on se voit dès que possible. S'il vous plaît.» C'est le message que j'ai reçu de Tariq, un jeune homme originaire du Pakistan. Tariq a besoin de parler. Il vient d'un pays majoritairement musulman. Dans son pays d'origine, il est entré en conflit avec la charia, le système juridique islamique en place. Cette dernière impose des règles qu'il n'arrive pas à accepter. Des divergences de valeurs qui ont divisé sa famille. Il espère qu'en Europe, il pourra vivre une vie dans laquelle les droits de l'homme sont respectés, une vie dans laquelle la dignité et la liberté de chacun sont protégées. Tariq a fait des études, il possède un bon diplôme universitaire, ses camarades étudiants sont dispersés à travers le monde, ils ont un excellent travail, une famille et un niveau de vie confortable.

Tariq a tenté sa chance en Allemagne. Tout ne s'est pas déroulé comme prévu et il s'est soudainement retrouvé dans un système -celui du régime d'asile- qui n'est pas prévu pour les personnes comme lui et qui ne lui offre qu'une chance infime d'être reconnu comme personne en quête de protection. La situation de Tariq m'est familière. Je côtoie régulièrement des gens qui ont vécu des choses terribles dans leur pays d'origine. Et en même temps, ce n'est souvent pas «assez grave», c'est-à-dire que ce qu'ils ont vécu ne correspond pas aux critères du régime d'asile allemand.

Tariq est bouleversé: sa demande d'asile a été rejetée. Son cas est mal engagé. Les chances qu'une nouvelle porte s'ouvre pour lui permettre de rester en Allemagne sont proches du néant. Tariq va être expulsé vers son pays d'origine. Mais ça, Tariq ne peut même pas l'imaginer. Les humiliations, les coups et les mauvais traitements qu'il a subis dans son pays sont gravés à jamais dans sa mémoire. Les blessures causées par le rejet et la haine de sa famille sont encore à vif. Tariq est désespéré. Il n'entrevoit aucune porte de sortie. Il a toujours l'impression de se cogner à un mur. Il est constamment rejeté. Il se sent catalogué et bute sans arrêt contre l'incompréhension. Il est seul: seul dans sa situation, seul avec toutes ses émotions. Tariq ne sait pas à qui faire confiance. C'est un autre réfugié qui l'a orienté vers moi: «Va voir Sœur Regina. Elle t'écoutera. Peut-être qu'elle pourra t'aider.»

Je retrouve régulièrement Tariq. Pour lui, nos entrevues à l'aumônerie du centre d'accueil représentent un lieu où il est considéré comme un être humain. Un lieu où il peut être lui-même et où personne ne le condamne. Un lieu où il peut parler librement, où il est écouté et pris au sérieux. Tariq vacille. Il est constamment submergé par une douleur intérieure, par l'humiliation, la discrimination, le sentiment d'avoir échoué. Il veut tout laisser tomber, tout envoyer balader. Tariq peut toujours revenir -même s'il lui est parfois arrivé de tourner le dos à la vie. Nos entretiens lui apportent du soutien. Ils l'aident à mettre de l'ordre dans ses pensées, à rassembler ses forces et à ne pas renoncer. Avec notre conseiller juridique, nous clarifions sa situation légale. Un autre conseiller du JRS peut également venir en aide à Tariq grâce à ses compétences professionnelles et ses relations dans son pays d'origine. Ensemble, nous réfléchissons aux éventuels moyens qui lui permettraient de reprendre pied et de trouver le soutien approprié.

Cela prend du temps. Et je laisse à Tariq tout le temps dont il a besoin. J'ai parfois l'impression que nous faisons un pas en avant et deux pas en arrière. Et pour autant, une évolution est perceptible. Petit à petit, Tariq retrouve de la lucidité et des portes semblent s'ouvrir pour lui offrir une nouvelle perspective. Je fais le lien avec d'autres organismes susceptibles d'aider Tariq à se stabiliser sur le plan psychique et à organiser son avenir. Comment poursuivra-t-il son chemin ? Personne ne le sait. Il reste encore de nombreuses étapes à franchir. Il est difficile de savoir si tout va pouvoir s'organiser comme il l'espère. Et la question demeure de savoir si Tariq trouvera la force intérieure nécessaire pour franchir toutes ces étapes. Je suis la seule personne à laquelle Tariq confie aussi ses croyances, ses questionnements sur l'Islam, son intérêt pour le christianisme, ses interrogations sur la vie et la mort ainsi que ses profondes expériences spirituelles, qui lui apportent du soutien et l'empêchent de baisser les bras. Sur la table de l'aumônerie se trouve une bougie, dont le socle porte l'inscription : « Keep hope alive ». Je veux croire en ce précieux moment durant lequel Tariq a eu une révélation : « Je vais prendre ma vie en main. Il existe un avenir pour moi. Je vais trouver un moyen de sortir de cette situation difficile. Et je ne suis pas seul. Dieu est à mes côtés et veille sur moi.»

Sœur Regina Stallbaumer sa

Le travail de Sœur Regina Stallbaumer est financé par le Bonifatiuswerk, le diocèse de Görlitz, ainsi que le Service jésuite pour les réfugiés. Le 20 juin marque la Journée mondiale des réfugiés. À cette occasion, en collaboration avec le JRS, une messe œcuménique a lieu à 17 heures en l'église Saint-Édouard de Berlin (Kranoldstr. 23) pour commémorer les personnes décédées pendant leur exil.

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Source des chiffres du nombre de réfugiés en Allemange: www.bamf.de Bundesamt für Migration und Flüchtlingen – Schlüsselzahlen Asyl 2020

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