Il y a une sorte de basculement dans la vie de Jésus au moment où, affrontant avec détermination la perspective de sa mort, il se met en route vers Jérusalem. L’Évangile insiste sur le caractère résolu de sa démarche. Entre la Galilée et la Judée, la route passe par la Samarie, une région où, pour des motifs religieux, les juifs n’étaient pas les bienvenus. Deux disciples envoyés en éclaireurs pour préparer l’étape se sont faits éconduire. Furieux, inspirés par une anecdote de la vie du prophète Elie, ils sont prêts à faire tomber le feu du ciel sur le village inhospitalier. Jésus, qui ne s’est jamais mêlé des querelles entre Juifs et Samaritains les gronde sévèrement. N’a-t-il pas expliqué, précisément à une femme de Samarie, que Dieu ne se rencontre ni dans le temple des Juifs ni dans celui des Samaritains, mais là où il y a des adorateurs en esprit et en vérité (Jn 4,24). Les disciples ont-ils compris la leçon? L’Évangile ne le dit pas. Mais, à en croire l’Histoire du christianisme, les croisades, les bûchers de l’Inquisition, les chasses aux sorcières et les excommunications laissent supposer que leurs successeurs ont été plus sensibles à la solution du prophète Elie qu’à celle du Christ.
Jésus n’en continue pas moins sa route vers Jérusalem. Rien ne peut le détourner de son destin. Il y a urgence, aussi pose-t-il ses conditions à ceux et celles qui veulent le suivre: avant de s’engager, qu’ils mesurent leurs forces! Faire route avec lui exige une triple liberté. Qu’ils acceptent de partager sa mobilité sans chercher refuge dans des lieux, des milieux, des cultures ou des idéologies. Deuxièmement, qu’ils ne perdent pas leur temps à cultiver ce qui est mort et n’a plus des promesses de vie. Enfin, qu’ils avancent là où la vie les emmène, sans se laisser arrêter par la nostalgie ou les regrets du passé.
Il ne s’agit pas de reproduire à l’identique le style de vie de Jésus. À chaque époque sa culture! Mais de comprendre que l’urgence du salut invite à avancer en se dégageant de tout ce qui entrave sa propre liberté.
«Il est urgent d’avancer» (Jn 10,27-30) - Méditation à partir de l'Évangile de Pierre Emonet sj pour le dimanche 26 juin 2022.
