Jésus vient de quitter les foules pour lesquelles il a multiplié les pains. Au moment de partir chez les païens, un milieu qui n’est pas casher, il se trouve affronté au cercle très fermé des pharisiens. Conscients d’appartenir au peuple de Dieu, ces bons pratiquants se tiennent à l’écart de tout ce qui est profane. Toutes sortes de minuties rituelles leur servent de garde-fous pour éviter de se polluer au contact de ceux qui ne sont pas du bon bord. Ces observances discriminatoires ne font pas partie de la Loi divine, elles ne sont que des traditions forgées au cours des siècles, de pures inventions humaines qui, peu à peu, ont acquis plus de poids que la Loi elle-même. Une pratique qui n’est qu’un artifice pour se donner bonne conscience.
Hypocrites ! Voilà ce que sont aux yeux de Jésus ces bons pratiquants, des faux-jetons qui se cachent derrière une façade faite de rites, d’habitudes, de traditions qui relèvent plus du comportement social que de la loi divine. Au fond, une pratique religieuse pour soi ! Sous prétexte de fidélité religieuse ils divisent et séparent : d’un côté le sacré et nous les purs, de l’autre le profane et eux les pécheurs. Citant le prophète Isaïe (29,13) Jésus condamne ceux qui substituent des règlements humains, une casuistique ecclésiastique à la Parole de Dieu. La tentation n’a pas épargné la première communauté chrétienne (Ac 10,1-11,18), et elle resurgit périodiquement dans l’Église.
Jésus est la Loi en personne ; il est venu donner sa vie « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52). Loin de cautionner les divisions et les ségrégations, il enseigne que le deuxième commandement de la Loi n’exclue personne, pas même les pécheurs et les païens (Mt 5). Lui-même les fréquente ouvertement, et ne manque pas une occasion de se montrer proche de tous ceux que les pharisiens tiennent à distance. La fidélité à Dieu ne justifie jamais les clivages socioreligieux. Les rites et les pratiques qui séparent, divisent et excluent sont des murs de la honte édifiés par ceux qui prétendent se trouver du bon côté. En suivant le Christ, le chrétien ne tourne pas le dos au monde pour se réfugier dans une bulle stérile avec ceux qui se flattent d’être des purs. Hypocrites, leur décoche Jésus, regardez plutôt ce qui sort de vos cœurs !
« Hypocrisie » (Mc 7,1-23) – méditation de Pierre Emonet sj pour le 22e dimanche du temps ordinaire