Mon précédent coup d’épingle soulignait l’inopportunité de la dissolution de l’Assemblée nationale française par le Président de la République Emmanuel Macron. J’épinglais spécialement le mauvais timing, à la veille des jeux olympiques de Paris (avec ses risques pour la sécurité) et les lois importantes suspendues sine die. La clarification était voulue par le Président qui espérait un sursaut électoral de son camp. Il n’a pas été entièrement déçu, sans pour autant en être pleinement satisfait.
La clarification était également souhaitée par le parti d’extrême droite qui rêvait de confirmer pour un enjeu national le bon résultat qu’il avait obtenu lors des élections européennes. L’extrême gauche, mise à mal sur le terrain des européennes, agitant la peur d’un néofascisme d’extrême droite, a réussi un coup de maître en passant contrat, dans les vingt-quatre heures qui ont suivi la dissolution. L’alliance électorale avec une gauche allait, contre nature, jusqu’à la droite de gouvernement était fondée sur la peur. A cet argument émotionnel s’est ajouté, plus positivement, des promesses : hausse du salaire minimum, retraite à soixante ans, que les impôts «sur les riches et sur les surprofits» auront du mal à financer sans taxations nouvelles qui pèseront sur les classes moyennes ni sans inflation qui porte principalement sur les plus pauvres.
Forte d’une majorité relative inespérée sortie des urnes le dimanche 7 juillet dernier, l’union des gauches revendique la direction du gouvernement. Pour appliquer son programme en absence de majorité absolue, il lui suffirait d’utiliser, comme l’a fait à maintes reprises le gouvernement précédent, l’article 49-3 de la Constitution française qui permet de faire passer une loi en absence de majorité parlementaire pour la voter.
Mis en œuvre par un gouvernement de gauche ce programme inquiète tous ceux qui ne confondent pas l’économie avec la science physique de l’équilibre des liquides dans un système de tuyaux. A part une cinquantaine d’économistes universitaires, beaucoup d’observateurs qualifient d’irresponsable ce programme, compte tenu de la situation fortement dégradée de l’économie française. Les plus pessimistes, jouant les prophètes de malheurs, promettent à la France le destin de la Grèce dirigé naguère par un économiste d’extrême gauche, et qui a dû, à son corps défendant, et non sans maintes protestations populaires, appliquer, le programme que lui ont imposé ses créanciers: diminution du nombre des fonctionnaires, baisse du salaire minimal, réorganisation de son système fiscal.
A l’heure où ces lignes sont écrites (lundi 8 juillet 2024) le parti du Président Macron se place, de manière inespérée, devant l’extrême droite en deuxième position à l’Assemblée en fonction du nombre de sièges. Du coup, le Président ne précipite pas les chose. Il a confirmé l’ancien Première ministre Gabriel Attal, ainsi que le ministre de l’Intérieur dans leurs fonctions, ce qui me paraît acte de sagesse compte tenu des risques de sécurité et de l’urgence du moment évoqués dans mon précédent coup d’épingle. Il peut prolonger quelques temps la décision en assurant la poursuite du financement de l’action de l’Etat par le procédé permis par la Constitution française des ‘douzièmes provisoires’, ce qui permet de dupliquer le budget de l’année précédente et le prolongeant mois après mois pour permettre la continuité des services minimaux de l’Etat. Mais cette coutume venue de la Troisième République (1870-1940) requiert un vote majoritaire de l’Assemblée.
Peut-être le Président espère-t-il qu’un accord de gouvernement soit passé entre tous les partis d’un ‘Centre’ allant des socialistes aux libéraux républicains, à l’exclusion des deux extrêmes, LFI (La France Insoumise de Mélenchon et le RN (Rassemblement National).
Cette position d’attente face à une Assemblée sans majorité absolue a soulagé les marchés financiers. En furent pour leurs frais tous ceux qui ont spéculé sur une chute brutale de la Bourse de Paris au lendemain de la victoire d’une gauche menée par l’un des extrêmes. «La politique ne se fait pas à la corbeille» disait le général de Gaulle lors d’une conférence de presse répondant à un journaliste qui s’inquiétait de la faiblesse des valeurs boursières françaises (la ‘corbeille’ était cette rampe ronde autour de laquelle se négociait jadis ‘à la criée’ les valeurs mobilières.) Ce n’est pas tout à fait vrai, pour peu que le gouvernement se souci de la propriété financière des entreprises françaises et de ses effets sur les investissements, le niveau de vie et l’emploi.