• Un volontaire du JRS avec des réfugiés à la frontière entre l’Ukraine et la Roumanie © Marco Giarracca/JRS
  • Réfugiés ukrainiens arrivant aux frontières polonaises © JRS/Sergi Camara (Entreculturas)
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Faire face au scénario du pire de la migration

«Savoir comment réagir rapidement aux nouvelles situations qui se présenteront». Cette citation d’un élu de la Confédération, dernière phrase de mon dernier blog, je l’appliquais explicitement aux émigrés chassés de l’Ukraine par l’envahisseur russe. Effectivement, l’actualité ne s’est pas fait attendre pour tester la validité de cet impératif social «réagir rapidement à la nouvelle situation». D’autant plus que les Ukrainiens sont accueillis soit par des centres fédéraux, soit chez des particuliers. Ce qui rend particulièrement difficile l’application du principe confédéral de la juste répartition des charges entre les cantons.

Ceux qui arrivent doivent en principe être répartis au prorata de la démographie cantonale, pondérée par quelques menus critères. Comme le juge un titre d’une chronique parue dans La Tribune de Genève le 31 mars dernier, signée par Caroline Zuercher et Julien Culet: «il n’est pas si facile de répartir les réfugiés entre les cantons!». La raison en est simple, elle tient dans l’afflux soudain d’un grand nombre de réfugiés. Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) reconnaît qu’à court terme «une répartition entre les cantons est difficilement réalisable». Les deux auteurs de la chronique de la Tribune en concluent logiquement qu’«un flux migratoire historique oblige les autorités à faire preuve de souplesse dans l’accueil des Ukrainiens.» Par expérience je suis certains que les responsables publics sauront «dégrader le protocole» comme on dit en langage managérial, pour adapter les procédures à l’urgence du moment.

C’est la raison pour laquelle ce qui me semble plus important dans la chronique de Caroline Zuercher et Julien Culet, ce n’est pas le problème de la gestion de la masse des arrivants, c’est cette petite phrase que j’épingle: «Les cantons tablent sur le scénario du pire». Or le pire, ce n’est pas le grand nombre des immigrés, c’est encore moins les limites de la bienveillance de la population autochtone, ni le manque de moyens publics et privés mis en œuvre, ce sont les prédateurs qui menacent les Ukrainiennes, auxquels s’ajoutent les risques de traites d’enfants.

Pour des raisons faciles à comprendre (militaires autant qu’économiques, femmes et enfants nourrissent le gros des Ukrainien·e·s arrivant en Suisse. Et (pour reprendre un constat qui s’étale dans presque tous les médias), les ONG s’attendent à un regain de violences et d’exploitation sexuelles. Selon l’analyse d’une spécialiste des migrations post-soviétiques à l’Université de Genève (Moreau Shmatenko): «À cause d’un certain imaginaire, les femmes slaves font toujours l’objet d’un regard masculin sexualisé.»
Bref, le pire doit s’apprécier non du point de vue des statistiques, aussi utiles soient-elles pour la gestion des flux, mais en considérant la sécurité des plus fragiles. Et agir en conséquence!

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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