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Dieu & Fils. Archéologie d'une croyance

Jusqu’au 2 octobre, le Musée Romain de Lausanne-Vidy propose «Dieu & Fils. Archéologie d’une croyance», une exposition qui cherche à expliciter comment les croyances sont nées et se sont répandues. Mais aussi pourquoi, en Occident, les religions judéo-chrétiennes se sont imposées. Pour ce faire, les concepteurs proposent de remonter aux sources en exposant quantité de témoins archéologiques, datés entre 1200 avant notre ère et 800 après. Elle couvre les périodes hébraïques, puis chrétiennes et se termine avec l'émergence de la troisième voie musulmane, note Laurent Flutsch, directeur du musée.

«Aborder ce passé n’est pas chose facile, car sa perception est déformée par des siècles de tradition pieuse consacrant la parole biblique en vérité plus ou moins absolue», relevait l’institution lausannoise dans son communiqué inaugural. «La recherche historique, elle, appréhende la Bible autrement: un recueil antique parmi d’autres, qui compile des mythes et des récits disparates, souvent modifiés, à la gloire de Yahvé et d’Israël puis au service du crédo chrétien. Un ensemble de textes à vocation religieuse, par nature très éloignés d’un ouvrage historique.»

À la suite de sa visite de l’exposition, Luc Ruedin sj a écrit une lettre au directeur du Musée. Pour le remercier, mais pas seulement: «Merci pour cette exposition. Merci de l’intérêt que vous portez à la question de Dieu. Merci pour la prise de position courageuse et critique d'un mortel païen. Merci aussi pour l’aspect pédagogique ludique et parfois humoristique de cette exposition à l’esthétique bien ficelée. Une créativité non dépourvue de charmes... »

Cela étant, le jésuite tient à partager avec Laurent Flutsch quelques remarques critiques. Les voici en substance:
«Je m’étonne que le titre de votre exposition soit lacunaire (…) Dieu & Fils ne suffit pas puisque -ne serait-ce que du point de vue culturel- le christianisme est trinitaire. Manque donc la mention de l'Esprit-Saint! Mais sans doute cela n'entre-t-il pas dans le cadre d'une exposition archéologique qui se veut scientifique!

Permettez-moi de relever aussi quelques inexactitudes: Matthieu semble être celui qui a été appelé par Jésus, et aussi l'auteur de l'évangile du même nom. Par ailleurs, son évangile comme celui de Luc est daté selon les recherches historico-critiques entre 64-80 et non pas 100.

Par-delà l'inexactitude qui ressort de l’information lacunaire proposée, il n'est philosophiquement pas fait droit au concept de vérité qui lui est tributaire du conflit des interprétations que Ricœur a bien mis en lumière. Ce qui est exact n'est pas forcément vrai et réciproquement! Or, il est clair que cette exposition n'y fait pas droit mais adopte un point de vue pauvrement positiviste, critique et idéologique, unilatéral et orienté, clair et provocateur.

Fi de la foi

Il faut distinguer selon moi les croyances, la croyance et enfin la foi qui se situent à 3 niveaux épistémologiques et existentiels différents. Du plus superficiel et figé au plus profond et relationnel, cet ordre croissant en charge existentielle va toujours plus vers la vie qui comme Bergson l'a bien vu, échappe à la prise positiviste. Si l'exposition se situe aux niveaux des croyances ou de la croyance, elle ne peut viser la foi qui par son objet lui échappe, en sa visée la dépasse et en son mouvement la relativise.

Il n'est de plus fait aucune place, à côté de l’aspect strictement scientiste et positiviste - et de plus orienté idéologiquement -, à l'ordre symbolique qui est bien plus vital pour l'être humain que la connaissance positiviste. Pour preuve le fait qu'un bébé meurt si sa nourriture ne consiste qu'à l'ingurgitation d'un produit sans que la relation d’amour soit présente. Dommage pour une exposition destinée au tout-public en mal de sens et de spiritualité!

Scientiste, rationaliste et épistémologiquement déficiente, cette exposition pêche encore par son unilatéralisme de présentation négative du christianisme sans mentionner les multiples aspects positifs dudit christianisme, ne serait-ce que sociaux ou culturels (hospitalité, charité, élaboration philosophique (St-Augustin, etc.) et artistique (art paléo-chrétien). En fait ce réductionnisme dessert aussi bien celui qui le présente que ceux qui, en manque d'information, prendront ces propos si ce n'est pour du pain béni en tous les cas pour Parole d'évangile!

Recevez, cher Monsieur Flutsch, l’expression de ma bienveillance critique et mes cordiales salutations. »

Luc Ruedin, jésuite

 

Légendes photos:

1. Affiche de l'exposition du Musée Romain de Lausanne-Vidy «Dieu & Fils. Archéologie d’une croyance»

2. Graffiti se moquant d’un chrétien, Rome, Domus Gelotiana, vers 200, Museo Palatino, Parco archeologico del Colosseo, Rome ©AKG-IMAGES

3. Buste de Sol en bronze. L’empereur Aurélien (270-275) instaure à Rome le culte de Sol invictus, «Soleil invaincu», site et Musée romains d’Avenches © MRV/Photo Suzanne et Daniel Fibbi-Aeppli.

4. L’un des premiers signes de christianisme sur l’actuel sol suisse: deux gobelets trouvés dans la tombe d’une jeune fille, dont l’un porte la formule chrétienne vivas in deo «vis en Dieu». Avenches, 4ème siècle de notre ère, site et Musée romains d’Avenches © AVENTICUM/Site et Musée romains d’Avenches

 

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