Les tensions internationales actuelles dans les domaines commerciaux, sociaux et militaires font surgir à nouveau l’éternelle et universelle panacée, le ‘dialogue’. La parole vaut mieux que la violence. Tout le monde en convient. Et, plutôt que de faire parler la poudre, les décrets et les taxes douanières, il vaut mieux échanger des mots comme on échange des biens ou des services de façon équitable. C’est là aussi le mantra des politiciens en mal de consensus. Mais ‘dialogue’ n’est lui-même qu’un mot, à propos duquel peut s’appliquer ce constat désabusé: «Quand les idées (pour réconcilier tout le monde et son train) viennent à manquer, un mot (le mot dialogue) se place bien à propos.» Malheureusement, le mot lui-même ‘dialogue’ affiche sa difficile mise en œuvre.
Car dans le mot dialogue, il y a bien sûr le logos, la parole; mais il y a aussi le dia, qui veut dire séparé, comme dans dialyse qui élimine les mauvais effluents en les séparant du fluide sain, ou comme dans diable qui désigne cette expérience commune des éléments jetés çà et là, séparément, et rompt l’unité de la personne ou de la communauté humaine. En matière de relations interpersonnelles comme dans le domaine national, social ou international, et dans le moindre groupe d’amis, il est facile de constater que ça va souvent «à hue (dans le même sens) et à dia (sic)».
Ce constat banal ne mériterait pas la moindre ligne si ne s’y ajoutait souvent la suffisance illusoire de certains négociateurs. Ainsi en mars dernier, en titre d’une chronique d’un journal du matin, on pouvait lire: «Parler à X, oui; lui céder, non!»
Le ‘dialogue social’ n’échappe pas à cette règle. Quitter la table des négociations, c’est supposer que l’on a les moyens de contraindre le partenaire. Je ne parle pas, évidemment, de ces affirmations grotesques, affichées par certains politiciens, davantage prétentieux qu’intelligents, selon laquelle l’adversaire – ou le partenaire – serait de son avis s’il réfléchissait un peu. Attitude parfois présentée sous une forme ‘soft’ en forme de fausse humilité: je me suis mal expliqué. Mais, si je prends le temps de vous présenter ma position sous un éclairage différent, vous tomberez (sic) d’accord avec moi.
Prononcer de telles paroles «je ne céderai pas sur ce point» en croyant qu’elles pourront être nécessairement opératoires, quelles que soient les réactions de son adversaire, c’est aussi vain que de prendre de bonnes résolutions dans un environnement trop éloigné des conditions et des contraintes réelles dans lesquelles il faudra les tenir.