• © Sabine Weiss
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Au Nom de la Personne et de la revue "choisir"

Mon nom est personne. Le titre de ce western du siècle dernier (1973) résume à lui seul les deux dossiers de la revue. Qui est la Personne et d’où tire-t-elle son Nom? Si elle n’a pas de nom, c’est qu’elle n’est personne. Mais être désignée comme Personne, c’est déjà être quelqu’un… Tous ces jeux de mots qui tournent et détournent la question ne sont pas complètement anodins. À l’heure où l’individu s’érige en loi et l’égo en juge, la notion de personne fait émerger toute l’ambiguïté du « je ».

Dans la Bible, la notion de personne n’existerait pas. Pas si vite! s’exclame Philippe Lefebvre op. Même si le mot n’apparaît pas, sa notion est abordée de multiples façons. Pour le théologien Maurice Zundel, cette notion était avant tout existentielle, note Marc Donzé: «La vie nous révèle à nous-mêmes comme une capacité d’infini. C’est là le secret de notre liberté. Rien n’est à notre taille et l’immensité même des espaces matériels n’est qu’une image de notre faim. Toute barrière nous révolte et toute limite exaspère nos désirs. C’est aussi la source de notre misère.»

Alors que le journaliste Gérald Morin propose une «excursion dans les arts et les mythes pour mieux cerner la différence entre la personne affirmée et sa réduction à quelque chose de vague», le philosophe Stève Bobillier relève la difficulté à saisir aujourd’hui la notion de personne au regard de soi et de la société: «Le principal problème de la société hypermoderne dans laquelle nous vivons est la trop grande importance accordée à l’opinion individuelle, au détriment du dialogue et de la réflexion commune.» Et le professeur Bernard Schumacher de questionner nos valeurs: «Dans une société qui promeut l’idéal de l’homo faber, c’est-à-dire la performance et l’utilité (…) une personne ne saurait, semble-t-il, être digne qu’à condition d’être performante, d’exercer sa raison et d’être autonome.» Cette dignité, érigée en étendard parfois par des assoiffés de libertés individuelles, n’a pourtant pas le même goût pour tous les Hommes. «Après le trafic d’armes, la traite des humains est l’un des marchés les plus profitables au niveau international», rappelle le cardinal Michael Czerny sj, «une marchandisation des personnes qui trouve son origine dans notre "culture du déchet" et notre système économique». D’autres formes de violences et de violations de la sphère privée pourraient être affiliées à cette culture du déni de la personne. Vols, viols, agressions de toutes sortes… mais quand victimes et bourreaux se retrouvent face à face au-delà des bancs des palais de justice, un outil peut les aider à tourner les pages traumatiques de leur histoire commune: les rencontres dites de justice restaurative (C. Christen /P. Pistoletti).

Nom de Noms !

La problématique du nom - qu’il soit de famille ou de baptême - «mérite un début de réflexion au moment où les notions de paternité et de filiation sont modifiées et la personne détachée de son identité individuelle», relève Pierre Emonet sj dans l’éditorial. Et de rappeler que «le nom tire de l’anonymat la personne qui le porte, pour la faire exister ou mourir au regard des autres et lui assigner une place dans la société et dans l’histoire». Dès lors, comment régler légalement les questions de changement de nom lors des mariages et du nom des enfants des époux? (M. Baddeley/L. Bittar) Comment inscrire, avec tact et éthique, la filiation des enfants nés sans vie ou morts-nés? (Bondolfi) Comment choisir le prénom qu’on va donner à chaque membre de la fratrie? (F.-X. Ammherdt/Besson) «Les chrétiens plaçaient leur progéniture dans le sillage des saints et des saintes. D’autres, dans le souvenir d’un ancêtre aimé ou célèbre», voire d’un héros, d’un champion ou d’un acteur (Eugène), note encore Pierre Emonet sj. Qui poursuit en se référant à l’article de J.-B. Livio sj: «Les évangiles, situent le patronyme dans le droit fil d’une longue généalogie mouvementée où alternent ombres et lumières. Quant au Dieu inconnu, puisqu’il est invisible, son nom est imprononçable.»

À ne pas manquer, enfin, le portfolio de la photographe Sabine Weiss (N. Dassa) récemment décédée et trois articles Culture portant sur la grotte de Saint-Ignace nouvellement parée des mosaïques du Père Rupnik sj (José de Pablo sj), l’histoire de la communauté de Taizé (Joseph Hug sj) et la Divine Comédie de Dante dont on commémore le 700e anniversaire de sa mort (Ruedi Imbach). Bonne lecture.

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