Mgr Mario Delpini est le nouvel archevêque de Milan (photo DR)

De l'humour à la sauce milanaise de la part de Mgr Delpini?

Tempête dans le petit verre d’eau médiatique de l’Église catholique italienne. Les remarques gentiment ironiques de Mgr Delpini, archevêque de Milan envers son confrère Mgr Oscar Cantoni, évêque de Côme, élevé au cardinalat (alors que lui-même ne le fut pas) ont été épinglées par les médias italiens. Les journalistes y ont vu de la jalousie, voire une critique envers le pape François. Jugeons-en en reproduisant quelques traits des propos épiscopaux: «Il y a des personnes un peu irrévérencieuses qui se sont demandé pourquoi le pape n’avait pas choisi le métropolitain [c’est à dire moi] pour être cardinal… Bien sûr, il est toujours difficile d’interpréter les pensées du pape, car comme dit le dicton: il y a trois choses que Dieu le Père ignore, le nombre de congrégations religieuses féminines, combien elles ont d’argent, et enfin ce que les jésuites [parmi lesquels le pape François] ont dans la tête.»

Ce qui m’intéresse ici, ce ne sont pas les sentiments de Mgr Delpini Métropolitain de Milan, mais les termes utilisés par les journalistes qui rapportent ses propos: «entre ironie et sarcasme», «humour à la sauce milanaise», «commentaire humoristique», «humour grinçant», «humour acide», d’autres y ont vu du dépit, voire du mépris.

Les journalistes font fausse route en confondant d’une part l’ironie manifeste de l’archevêque de Milan avec d’autre part l’humour –quel que soit le qualificatif dont il est affublé (grinçant, acide). L’ironie est une pique, plus ou moins sensible, qui épingle ce qu’a de fautif la proposition de l’adversaire (pour être gentil, je dirais ici du partenaire dans l’épiscopat). S’étonner que le pape ait choisi l’évêque de Côme plutôt que l’archevêque de Milan relève manifestement de l’ironie, surtout lorsqu’on va chercher des raisons, comme le fit Mgr Delpini, du côté de Milan surchargé de travail ou des équipes de Football qu’il s’agit de soutenir en période de faiblesse. L’ironie trahit le jugement personnel du Métropolitain.

L’humour, en revanche, ne vise pas un autre (en l’occurrence Mgr Cantoni, évêque de Côme, ou encore le pape François) mais soi-même. C’est la manifestation d’une distance prise avec le tableau idéalisé que l’on a de soi. L’humour ne se prend pas au sérieux. Dans les propos de l’archevêque rapportés par les médias, je ne vois aucune trace d’humour, pas plus d’humour grinçant que d’humour acide. En tous les cas, l’humour ne saurait se situer entre ironie et sarcasme. Le sarcasme témoigne d’un mépris pour autrui, l’ironie consiste à rire au dépend d’autrui. L’humour, lui, consiste à rire de soi-même, ou – mieux – à rire de soi avec son partenaire.

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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