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De la reconnaissance salariale

Une étude parue mi-octobre 2021 montre que, pour les jeunes de Suisse romande, le télétravail ou l’éthique en entreprise passent après le critère du salaire. J’épingle ce constat banal pour en tirer deux conclusions. La première est que, même si le salaire reste le premier critère, les directeurs de personnels et les chefs d’entreprises auraient tort de se désintéresser des conditions de travail, en particulier des relations de travail avec les confrères. Par exemple, la proportion de jeunes de moins de trente-cinq ans préférant revenir au bureau a bondi -entre l’avant et l’après Covid- de 38% à 64%, (alors qu’il n’est plus que de 42% pour les salariés âgés de trente-cinq à cinquante ans). Travailler «en présentiel» comme on dit maintenant, a plus de charmes pour les plus jeunes que pour leurs aînés.

Charmes dont il ne faudrait d’ailleurs pas abuser. Car, en Suisse comme dans la plupart des pays du monde, plus des quatre-cinquièmes des salariés souhaitent un «travail hybride», qui mélange une part en présentiel, une part en distanciel. Une étude récente formule une hypothèse: «Pourquoi l'hybride est-il si attrayant? Il réunit le meilleur des deux mondes. Ceux qui avaient un modèle de travail hybride pendant la crise de la Covid-19 avaient une meilleure santé mentale, des relations de travail plus solides et étaient plus susceptibles de se sentir Net Better Off en raison de leur travail pour leur organisation. Ils ont également connu moins d'épuisement professionnel que ceux qui travaillaient entièrement sur site ou entièrement à distance.» (Accenture Research, mars 2021). Reste que, à condition salariale équivalente, le dosage entre distanciel et présentiel reste d’autant plus difficile à mettre en place qu’il évolue en permanence selon le travail, l’expérience et l’idiosyncrasie de chaque salarié.

Toutes les directrices et tous les directeurs des personnels, les chefs d’équipe et les chefs de services, se posent évidemment la question de l’organisation qui fera le mieux éclore le potentiel de chaque salarié. L’idéologie ici n’est pas de mise. Seule une minorité des salariés (40%) pense être indifférents face à l’alternative «présentiel ou distanciel». Mais, il ne faudrait pas faire fond trop vite sur ce type de réponse. Car le véritable enjeu est toujours celui de la reconnaissance au travail, que cette reconnaissance passe par le salaire, l’environnement hiérarchique ou le regard –direct ou par écrans interposés– des collègues.

La reconnaissance au travail est la quadrature du cercle. Chacun estime en effet qu’il est «comme tout le monde» et ne se sentira pas reconnu s’il est traité moins bien que les autres; mais, en même temps, il a le sentiment de n’être pas tout à fait «comme tout le monde», et aspire donc à bénéficier de quelque gratification supplémentaire qui reconnaisse sa spécificité. De plus il tient à sauvegarder sa petite marge d’autonomie. J’en conclus donc que se reposer sur un type d’organisation, distanciel ou présentiel, dans l’espoir de se débarrasser de l’attention à l’itinéraire singulier de chaque subordonné, c’est un pari des plus risqués, car il nie le principe même de la reconnaissance.

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