Contrairement à ce que Thomas pense, la résurrection du Christ n’est pas la simple réanimation du cadavre de crucifié. Plein de bon sens, le disciple craint que ses amis ne soient victimes d’une hallucination collective ou d’un débordement de leur imagination. Ils prétendent avoir vu le Seigneur! Lui ne croit pas aux fantômes ni aux rêveries. Si c’est bien le Crucifié qu’ils ont rencontré, qu’ils le lui montrent en chair et en os, tel qu’il l’a fréquenté. S’il est vivant, il doit bien occuper un espace et tomber sous les sens.
Pour caricaturale qu’elle soit, l’exigence de Thomas n’a rien d’exceptionnel. Presque tous les récits des apparitions du Ressuscité font allusion à de semblables réactions. Ses plus proches amis ne le reconnaissent pas. Marie le prend pour un jardinier, les disciples d’Emmaüs pour un étranger de passage, dans le cénacle, les disciples crient au fantôme. Ni attendu ni désiré, il apparait subitement sans traverser l’espace, portes et fenêtres verrouillées symboles d’un triste effondrement psychique.
Le Ressuscité est bel et bien présent, mais, il n’est pas un cadavre réanimé, un ensemble de cellules remises dans le circuit physiologique. Une fois reconnu, il ne se laisse pas saisir ou toucher. Défiant les lois de la nature, il s’impose en transformant efficacement ceux et celles auxquels il se manifeste. Source de joie, de paix, de réconciliation, il change les cœurs, motive et donne des forces pour poser des actes jusque-là impensables parce ce qu’ils défient toute explication humaine, il comble un vide métaphysique. À bout de résistance, Thomas l’a compris: il ne s’agit pas de voir et de palper mais de prendre acte de la transformation intérieure qui le rend capable d’accepter un autre type de présence, celle de son Seigneur et de son Dieu.
À chaque apparition, les Évangiles mentionnent deux éléments sensibles, inscrits dans la réalité matérielle et sociale de la communauté chrétienne, les Écritures et le repas commun (l’eucharistie). Deux lieux identifiables, qui, à la manière d’un biotope offrent un cadre à la présence du Ressuscité.
«Croire pour voir» (Jn 20,19-31) - Méditation à partir de l'Évangile de Pierre Emonet sj pour le dimanche 16 avril 2023.