Dernier événement lié à l’inauguration du Sacré-Cœur de Genève, la représentation de la pièce de théâtre « Mon Père, je vous pardonne » de Jean Chollet, adaptée du livre éponyme de Daniel Pittet, a réuni près de 80 personnes dans les combles de la salle des fêtes de l’église, une magnifique bâtisse rénovée avec goût et dans le respect du patrimoine. En fin de spectacle, une discussion autour du pardon, menée par Évelyne Colongo-Oberson, a réuni l’acteur Fabian Ferrari, l’auteur Daniel Pittet, la représentante de l’évêque pour la prévention des abus Mari Carmen Avila et le Père Beat Altenbach sj, supérieur des jésuites de Suisse romande et membre du Conseil épiscopal Prévention du diocèse. Reflet d’une soirée riche en émotions.
Seul en scène. L’acteur Fabian Ferrari entre dans la salle et se présente: «Je m’appelle Daniel Pittet…» Et il raconte. Il dépeint crument la vie de ce jeune garçon abusé dès l’âge de 9 ans, et durant quatre ans, par un prêtre, le Père Joël Allaz. Le texte est issu du livre écrit par le jeune garçon devenu un homme: «Mon Père, je vous pardonne – Survivre à une enfance brisée» (éditions Philippe Rey). Les mots sont abrupts, tranchants ; ils claquent dans l’air.
Aujourd’hui, l’enfant a 57 ans. Il est marié, père de famille, diacre. Il était ce samedi soir, avec sa femme et deux de ses enfants, à l’église de la paroisse du Sacré-Cœur. Il n’a pas assisté au spectacle. Il l’a fait par le passé. Il ne le fait plus. Il était venu échanger avec le public à la suite de la représentation.
La pièce se termine par ses mots:
«J’ai pardonné pour être libre».
Comment comprendre cette notion de pardon et comment l’aborder avec les personnes victimes d’abus? «C’est extrêmement délicat», reconnaît le Père Beat Altenbach sj, accompagnateur spirituel, supérieur des jésuites de Suisse romande, qui a eu l’occasion d’accompagner des personnes abusées. « Je fais régulièrement face à des personnes qui m’interpellent: «Mon Père, comment aller à la messe communier alors qu’il m’est impossible de pardonner?»
«Comme d’autres l’ont dit avant moi, on se rend compte qu’il est essentiel de se pardonner avant tout à soi-même. Se pardonner que cela nous soit arrivé alors que nous n’y pouvons rien.» Il poursuit: «Au-delà des mots, j’essaie d’amener les personnes que j’accompagne à faire l’expérience d’être pardonné de leur incapacité à pardonner. Dieu pardonne de ne pardonner. Son amour est inconditionnel.»
«Si on espère pouvoir pardonner un jour, il faut avoir pu faire l’expérience de ne pas devoir pardonner pour être aimé.»
Un récit puissant et déroutant