Le 14 septembre marque la fête de l'Exaltation de la Croix dans le calendrier liturgique de l'Église catholique. Elle rappelle que c'est en septembre 335 que fut inaugurée la basilique constantinienne sur le tombeau de Jésus à Jérusalem. Le lendemain de la consécration, la croix nouvellement érigée sur le Golgotha a été rendue accessible à la population pour qu'elle puisse la vénérer.
Depuis le Moyen-Âge, il n'existe plus qu'une coque de cette basilique et de la cathédrale au-dessus du tombeau. Celui qui entre aujourd'hui dans l'église du Saint-Sépulcre, appelée « Anastasis », « Résurrection », par les chrétiens orthodoxes locaux, ne peut guère se douter de la splendeur d'antan.
Est-il encore possible pour nous, chrétiens et chrétiennes du XXIe siècle, de vénérer la croix du Christ ? N'est-elle pas devenue pour les uns un signe culturel exploitable à volonté ? Et les autres ne voient-ils pas dans la croix un scandale qui rappelle inutilement la souffrance, notamment la souffrance causée au nom de la croix ?
La croix vénérée dans une basilique décorée de mosaïques représente, vu de l'extérieur, une esthétisation de la souffrance. L'art est réussi lorsque l'artiste lui-même, dans le processus de création, sait transformer quelque chose de sa propre souffrance et de la souffrance du monde. Ce processus créatif correspond à la transformation intérieure que les gens connaissent lorsqu'ils ont appris à accepter leurs blessures physiques et lorsque leur travail de deuil a été traversé par des blessures psychiques. Un éclat intérieur, une beauté et une profonde gratitude envers la vie se manifestent. Lorsqu'un processus de souffrance psychique commence à se refermer, des roses poussent sur les blessures. Les cicatrices s'illuminent.
La fête de l'Exaltation de la Croix veut rappeler cette transformation. Elle veut inviter à ne pas masquer la souffrance ou à ne pas la refouler. Une croix certes kitsch de prime abord, mais une croix d'art, ornée d'or et de pierres précieuses comme c'était la coutume dans l'Antiquité et au début du Moyen Âge, qui témoigne d'une autre vérité: plus une douleur ou une blessure est profonde, plus l'homme cherche à lui donner une forme esthétique. C'est pourquoi l'art n'est pas un luxe, mais une expression de l'âme. C'est devant cette réalité qu'il faut comprendre la célèbre déclaration de Dostoïevski: «C'est la beauté qui rachètera le monde».