Cardinal Czerny sj: «L’Amazonie peut aider au renouveau de l’Église»

Pour le cardinal Michael Czerny, sous-secrétaire du Dicastère pour le service du développement intégral, le processus lancé par le Synode sur l’Amazonie (2019) concerne non seulement cette région, mais aussi l’Église universelle. Dans le cadre de son passage à Fribourg, il explique comment ce synode et celui sur la synodalité sont en connexion pour renouveler l’Église. Interview de cath.ch

Le cardinal Czerny est à Fribourg ces 14 et 15 octobre 2021. Il intervient dans le cadre du 12e «Forum Fribourg Eglise dans le monde», organisé par l’Université, dont le thème est «Contextualité et synodalité – Le Synode sur l’Amazonie et ses suites». Joint par téléphone à Rome, le prélat canadien a partagé à cath.ch ses réflexions sur le sujet.

Votre intervention à l’Université de Fribourg s’intitule «Le visage d’une Église ‘franciscaine’ après le Synode sur l’Amazonie». Qu’entendez-vous par «franciscaine»?
Cardinal Czerny sj: Cela n’a bien sûr rien à voir avec l’ordre franciscain. Ce terme renvoie à la fois au pape François et à saint François d’Assise. Il y a bien sûr une connexion entre les deux. Dans le sens où ils s’inscrivent tous deux dans une démarche de renouveau , de «réparation» de l’Église. Un élan qui est au cœur du processus du Synode sur l’Amazonie.

Comment ce synode et l’exhortation apostolique qui l’a suivi, Querida Amazonia (2020), peuvent-ils aider à ce renouveau?
Bien que l’ouvrage soit centré sur l’Amazonie, une région particulière du monde, il parle à l’Église universelle. Le message de Querida Amazonia est que tous les baptisés sont appelés à participer à ce processus de renouveau. Parce que tout est interconnecté. Sans l’Amazonie, le monde ne peut pas survivre. C’est l’ensemble de l’Église qui est appelée à se mettre en marche, également aux côtés de la société, pour sauvegarder la Maison commune.

Il faut bien comprendre que les quatre «rêves» dont le pape parle dans son exhortation, ne s’appliquent pas qu’à l’Amazonie, mais à chaque région du monde. Le texte nous permet de saisir le message et la grâce que nous apportent les zones périphériques.

Le prochain Synode sur la synodalité, en 2023, a également pour but de créer une dynamique unificatrice dans l’Église. Peut-on réaliser un lien entre les deux démarches?
Oui, certainement. Dans chaque synode, l’Esprit-Saint est à l’œuvre et il y a toujours un lien entre ces rencontres, même s’il ne nous est pas forcément évident. Comme je l’ai dit, tout est interconnecté.

Le travail que nous réalisons actuellement en Amazonie est en fait un modèle de ce que le Synode 2023 voudrait mettre en place dans l’Église universelle. Sur place, nous expérimentons déjà la synodalité. L’Amazonie peut servir de «laboratoire» pour le reste de l’Église. Je dirais même qu’elle peut être une «graine» à partir de laquelle une nouvelle Église pourra croître.

Ce désir d’universalité n’est-il pas contradictoire avec la nécessité de l’inculturation dont parle Querida Amazonia? Peut-on réellement créer une Église unie avec des coutumes, des façons de penser, des visions du monde si différentes?
Il n’y a pas de contradiction. Ce n’est pas pour rien que «catholique» veut dire ‘universel’. Il y a une variété d’expériences de Dieu, mais elles servent toutes finalement à découvrir que Dieu est Un est que nous sommes tous unis en lui. Ce principe d’unité dans la diversité appartient complètement à l’Église. Mais pour le réaliser il est essentiel de respecter nos différences et de ne pas tenter de les réduire.

Avez-vous des exemples de «fruits» concrets du Synode en Amazonie?
Toute une série de structures ont été mises en place dans la zone amazonienne. Tout d’abord, il y a eu la création, très rapidement après le synode, de la Conférence ecclésiale de l’Amazonie (Conferencia Eclesial de la Amazonia– CEAMA). Il s’agit d’une structure inclusive, à laquelle participent, outre la Conférence des évêques latino-américains, des membres de la Conférence des religieux et religieuses, la Caritas locale. Elle est complétée par le réseau de l’Eglise pan-amazonienne (REPAM) qui comprend environ mille organismes variés au service des droits de la personne et du bien commun.

Les efforts sont, de manière générale, engagés pour promouvoir des politiques publiques et des participations citoyennes allant dans le sens de la protection du milieu naturel et d’un modèle de développement qui privilégie les plus démunis, tout en servant le bien commun.
Diverses démarches de cohésion ont été lancées, qui incluent notamment les jeunes et les femmes, qui se déclinent aussi de manière interreligieuse.
Mais la principale réalisation se passe certainement dans les esprits. Sur place, on ressent une nouvelle approche des choses et une nouvelle conscience qu’il faut être ensemble pour régler les problèmes.

Le document final du Synode avait suggéré la possibilité d’ordonner des ‘viri probati’, des hommes mariés, notamment pour pallier le manque de prêtres dans la zone amazonienne. Pourquoi selon vous, le pape François n’a pas suivi cette recommandation?
Je ne dirais pas qu’il ne l’a pas suivie. Je pense que l’idée des ‘viri probati’ est toujours sur la table, mais que les choses doivent être faites dans le bon ordre, et que d’autres aspects plus urgents doivent être considérés en premier. Au final, ce sera certainement à l’Église en Amazonie d’en décider. Mais il n’y a pas une seule solution simple à cette question du manque de prêtres.

L’une des propositions de Querida Amazonia est de faire venir des prêtres de l’étranger. Cela est-il en train de se réaliser?
Je n’ai pas cette information. Mais, pour préciser, l’idée n’est pas «d’importer» des prêtres d’Occident ou d’autres parties du monde. Il s’agit plutôt d’appeler des ministres des mêmes pays mais qui sont hors de la zone amazonienne.

Les évêques brésiliens ont à maintes reprises exprimé leur désapprobation quant aux politiques «nuisibles» menées en Amazonie par le président Bolsonaro. Pensez-vous qu’une amélioration de la situation sur place soit possible sans un changement de gouvernement?
Le Vatican soutient, bien sûr, les évêques de tous les pays, et également ceux du Brésil. Mais il ne s’implique pas dans les politiques internes des Etats. Je souhaite évidemment que les Brésiliens parviennent à s’entendre pour que les droits des peuples et l’environnement de cette région unique au monde soient respectés et honorés comme il se doit. Mais dans les autres pays également une prise de conscience doit se faire quant à l’importance de l’Amazonie. (cath.ch/rz)

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