Le Christ devant Pilate, Mihály Munkácsy, 1881Chaque fois qu’il a été sollicité pour exercer le pouvoir, Jésus s’est dérobé. Lors de la tentation au désert, après la multiplication des pains, ou sous les acclamations de la foule au jour des Rameaux. Après les guérisons, il s’empressait de désamorcer l’enthousiasme des gens en leur imposant le silence, pour ne pas voir sa mission récupérée par des mouvements nationalistes et politiques. À ses disciples qui se disputaient les premières places, il avait expliqué qu’ils ne devaient pas aspirer au pouvoir comme les politiciens: que celui d’entre vous qui veut être le premier prenne la dernière place et se fasse serviteur.
En face de Pilate, les circonstances ont changé! C’est un homme condamné à mort, livré à ses ennemis, sans pouvoir ni gloire qui ne refuse plus le titre de roi. Jésus revendique la royauté au moment où il se trouve à la dernière place. Tout triomphalisme est écarté, sa mission ne risque plus d’être gauchie par un projet politique. Son royaume ne risque plus de s’inscrire dans des structures politiques, ni même dans une culture. Pas de gardes, pas d’armée, pas de territoire, pas d’économie. Pas d’autre programme qu’une vie donnée. Pilate et les Romains ne courent plus aucun risque ! Sa royauté consiste à manifester la bonté du Père. Étrange royauté!
Si Jésus n’a pas succombé à l’attrait du pouvoir politique, l’Église n’a pas toujours su éviter le piège. Plus d’une fois tentée au cours de son histoire, elle s’est hissée à la hauteur des rois et des empereurs. Elle a levé des armées pour faire des guerres ou des croisades. Elle a participé à la colonisation. Elle a pesé de tout son poids sur des partis politiques. Aujourd’hui, elle cueille les fruits amers d’un pouvoir pervers et déguisé en dévot, le cléricalisme dénoncé par le pape François.
Le titre de Christ-Roi est certainement ambigu. Il recèle un piège. Celui de justifier des programmes politiques ou des formes de gouvernement, qui ne sont qu’une trahison du style de cette royauté que le Christ revendique devant Pilate.