Étienne Perrot sj - La Révolution française s’est faite au nom de l’égalité. «Le roi en son Conseil, le peuple en ses états» disait-on sous l’Ancien Régime; étant-entendu que les «états» du peuple distinguaient les justiciables selon qu’ils faisaient parties de la noblesse, du clergé ou du «tiers-état» (Il faut comprendre ici «tiers» comme le troisième). On oubliait alors le quart monde; car le tiers-état qui mena la Révolution de 1789 regroupait essentiellement les artisans et les bourgeois. Après la Révolution, quelques décennies plus tard, Alexis de Tocqueville analysait la Démocratie en Amérique (c’est le titre de son maître ouvrage) comme étant fondée sur l’égalité. À la même époque, l’un des fondateurs du socialisme populaire, Pierre Leroux, publiait un ouvrage qui marqua son temps De l’égalité, où il convoque Jésus-Christ et la philosophie des Lumière pour fonder l’État de droit sur le principe égalitaire.
Ce principe se conjugue en économie autant qu’en politique. Il guide aujourd’hui encore des recherches incessantes dans le domaine de l’éducation autant que dans celui de la compétition. «Égalité des chances» dit-on. En dépit de cette illustre et nombreuse parenté, l’égalité a peine à avancer. Signe des temps -qui montre que l’égalité est ancrée dans notre société, les journaux sont remplis de considérations heureuses sur l’égalité homme femme dans le travail, -elle ne s’impose pas encore partout, les failles sont nombreuses dans les postes de directions, dans les assemblées politiques et ailleurs-. Dans maints endroits, on glose sur l’inégalité face à l’accès aux services publics selon les lieux d’habitation, sur l’inégalité des capacités culturelles -les capabilités, dit Amartya Sen, en l’absence de quoi on ne peut solliciter les services auxquels on a droit-.
Pour détourner l’attention, on peut aussi épingler l’inégalité quant aux illuminations des façades. En ce domaine, les droits sont-ils les mêmes pour tous? J’en doute, en constatant que chacun peut enlaidir l’espace public la nuit selon son goût. On peut réaliser des œuvres d’art lumineuse ou gâcher la vue des passants, c’est selon. Il suffit de regarder la nuit la façade de l’hôtel des Bergues. Quant aux illuminations (promues par la municipalité genevoise) qui couronnent les toits des immeubles tout autour du Mirail, je n’en parlerai que pour constater la cacophonie de lumières qu’elles engendrent. Il paraît que les réglementations concernant les illuminations des façades sont «contraignantes». Qui l’eut cru Certainement pas quant à l’esthétique. Il est vrai que «des goûts et des couleurs» il ne faut jamais discuter.
Étienne Perrot sj