En ces temps où la maladie, le malheur, le mal-être deviennent plus palpables et visibles, et alors que Noël approche, comment le chrétien peut-il réagir? questionne Luc Ruedin sj. Responsable de l'Espace Zundel à Lausanne, le jésuite propose sept pistes de réponses, en mots et en musique! Il vous donne rendez-vous deux fois par semaine pour les découvrir, le mardi et le vendredi, jusqu'au 22 décembre!
Deuxième réaction: Pour Dieu.
Le mal nous révolte. Il trouble le cœur et obscurcit la raison. Subi il rend caduque tout discours qui tenterait de le justifier. D’où vient le mal? Pourquoi le mal? En admettant qu’une réponse satisfaisante puisse être donnée, elle serait de toute façon trop générale pour rejoindre celui qui, frappé dans sa chair, est anéanti sous l’excès du malheur. La solidarité et la compassion du Crucifié ne sont-elles pas les seuls affects, parce que divins, capables de venir soulager cette détresse?
Dans la Bible, le Seigneur propose son Alliance. L’homme est invité à y répondre. Acceptera-t-il de se recevoir d’un Autre et de lui faire confiance? Confiance d’autant plus radicale lorsqu’elle est mise à l’épreuve. Face à la maladie, au malheur, à la souffrance, à la mort, le croyant, à la suite du Christ, est invité à traverser à son tour l’épreuve. S’il est fidèle à l’Alliance, il va au-delà de l’accusation ou de la justification de Dieu. Le croyant interpelle Celui qu’il nomme Dieu. Il ne s’extrait pas de l’Alliance et du chemin spirituel qu’elle propose.
Deuxième réaction: Pour Dieu
Une certaine apologétique a tenté d’expliquer le mal et d’innocenter Dieu. Dieu permettrait le mal, il mettrait à l’épreuve, il châtierait le coupable, il aurait créé le meilleur des mondes possibles!
À trop vouloir innocenter Dieu, on en vient à le rendre insignifiant!
Parlant à sa place, on ne Le laisse pas être Dieu! On adopte alors l’attitude des faux amis de Job. Du coup, on fait l’économie de la traversée souvent éprouvante de la foi. À Dieu de se défendre serait-on tenté de dire. Lui seul est vraiment capable d’entendre la clameur de Son peuple (Ex 6,5) ou le cri de Job! Le tort du Pro Deo est d’effacer d’entrée de jeu le scandale du mal. Celui qui crie manifeste plus de confiance envers Celui qu’il interpelle que celui qui le justifie. Si le Contra Deo exclue Dieu par défaut, le Pro Deo le fait par besoin de sécurité. Il se console à peu de frais.
Une musique pour autre porte d'entrée dans le texte par Xavier Dayer, compositeur et musicien
J.S. Bach. H-moll Messe (BWV 232). "Confiteor", "Et expecto"
Notre illustration de tête:
Le livre de Job questionne sur les raisons de faire confiance à Dieu lorsque la vie paraît injuste © Le Seigneur répond Job dans la tourmente, aquarelle de William Blake, 1805.
Réaction première: Contre Dieu
Job réprimandé par ses amis, William Blake, 1805Accuser Dieu, c’est le considérer comme responsable de ce monde entaché par le mal. C’est en toute logique conclure à son inexistence. Sinon comment ne pourrait-il pas (Dieu impuissant) ou ne voudrait-il pas (Dieu méchant) empêcher le malheur? Un tel Dieu ne peut être interpellé. L’accès à Celui de la foi est barré!
Cependant, au-delà d’une posture raidie de refus et de défense que cache parfois l’accusation, le cri de l’incroyant est déjà un appel: «J’honore plus votre Dieu en disant qu’il n’existe pas, qu’en disant qu’il a voulu ou permis le mal» (in La peste de Camus). L’homme souffrant réagit avec la force du désespoir. Sa révolte peut devenir aveu de sa précarité. Ses questions existentielles rebondissent jusqu’à le provoquer à parler à… Dieu.
Une musique pour autre porte d'entrée dans le texte par Xavier Dayer, compositeur et musicien
Ligeti: Mysteries of the Macabre