Par Pierre Emonet sj - Ce dimanche 12 avril 2020, dimanche de Pâques, sera une nouvelle fois sans messe publique, mais pas sans Évangile! Pierre Emonet sj propose sa réflexion sur l'annonce de la résurrection du Christ et la manière dont elle a été reçue. «Perplexe, Pierre ne sait pas que penser devant le tombeau vide, tandis que l’autre comprend. Il a vu et il a cru! (...) Si Pierre est bien identifié, son compagnon n’a pas d’autre nom que «celui que Jésus aimait». Sa seule identité est l’amour.» Un texte à méditer.
La nouvelle de la résurrection de Jésus n’a pas éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Bien au contraire. Les récits qui retracent la vie de la première communauté chrétienne le matin de Pâques ressemblent plutôt à une chronique du scepticisme.
Lorsque Marie de Magdala constate que la tombe est ouverte, sa première réaction n’est pas de crier que le Seigneur est ressuscité, mais d’alerter les disciples parce que le cadavre a été volé. Deux d’entre eux se précipitent au pas de course. Diversité des tempéraments sur les chemins de la foi où chacun avance à son rythme. L’un va plus vite. Était-il plus jeune, plus passionné? Arrivé le premier au tombeau, il s’effacera pour laisser entrer Pierre, celui qui incarne une hiérarchie facilement en retard. Perplexes, les disciples constatent que rien n’a été dérangé. Contrairement à ce qui se passe lors d’un cambriolage, tout est resté dans son bon ordre: le suaire et la mentonnière sont à leur place, mais vides de contenu, comme si le corps qu’ils enveloppaient s’était volatilisé. Énigme pour ces hommes qui, pourtant, avaient entendu plus d’une fois le Seigneur leur affirmer qu’il allait mourir et qu’il ressusciterait le troisième jour.
Perplexe, Pierre ne sait pas que penser, tandis que l’autre comprend. Il a vu et il a cru: si le tombeau est vide, c’est que le Seigneur est bel et bien ressuscité. Qu’est-ce qui lui a ouvert les yeux, pour qu’il saisisse ce que l’autre ignore encore? L’Évangile suggère une explication, tout en adressant une invitation au lecteur.
Les disciples Pierre et «celui que Jésus aimait» (Jean) courant vers le tombeau au matin de la résurrection (1898), par Eugène Burnand © Wikimedia Commons
Si Pierre est bien identifié, son compagnon n’a pas d’autre nom que «celui que Jésus aimait». Sa seule identité est l’amour. Pas simplement des sentiments, mais un amour actif, présent en actes plus que par des paroles. Les Évangiles insistent: «celui que Jésus aimait» se trouve aux côtés du Christ chaque fois qu’il s’agit de faire des choix, alors que tout semble se dérober: à la dernière cène, au pied de la croix, dans le tombeau déserté, après une nuit d’échec sur le lac. Face au tombeau vide, l’amour qu’il porte au Christ lui a ouvert les yeux. Plus vite que d’autres il a compris que l’absence du cadavre n’était que le signe de la présence du Ressuscité. Le poète l’avait pressenti, l’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur.
Certains ont voulu identifier ce disciple avec l’apôtre Jean. Rien n’est moins certain. Son nom, «celui que Jésus aimait», est celui de n’importe quel disciple, du lecteur de l’Évangile. Le tien peut-être.
Pierre Emonet sj