Tout temps est temps de grâce. Cela vaut aussi pour la crise du coronavirus. Dieu n'a pas coupé le robinet de sa grâce. Quelle grâce particulière nous accorderait-il cette année pendant la Semaine Sainte? se demande le Père Nikolaas Sintobin sj.
Les célébrations de la Semaine Sainte sont toutes des joyaux. Nous aimons ces liturgies raffinées. Elles rassemblent les chrétiens dans une profonde communion. Au fil des siècles, elles ont été polies et enrichies de symboles, de chants et de gestes. Elles peuvent nous faire oublier que la première Semaine Sainte, celle de Jésus et de ses disciples, était différente.
C'était en bonne partie une expérience de peur, de solitude, de stress, de violence, de trahison, de désillusion, d'incrédulité et de perdition. Tant pour Jésus que pour ses disciples. Il est peu probable qu’ils ont consciemment vécu ces moments comme un temps de grâce. Penser que ces terribles événements seraient plus tard commémorés et célébrés aurait semblé indécent.
Cela vaut également pour Pâques et les jours suivants. Dans beaucoup de nos églises, cette année, aucun alléluia ne résonnera. Ce n'était pas non plus le cas le jour de la résurrection du Seigneur. Les récits d'apparition des évangiles rappellent sans équivoque la douleur et le désespoir d'une communauté qui s'était effondrée. Pensez, par exemple, aux disciples d'Emmaüs. À chaque fois, c'est Jésus ressuscité lui-même qui prend l'initiative d'aller voir ses amis abattus. C'est l'homme-Dieu Jésus, avec les blessures de son martyre encore visibles dans son corps, qui vient à la rencontre ses disciples pour les consoler et les fortifier dans leur foi chancelante.
Se pourrait-il que ce soit là une grâce particulière qui nous est maintenant offerte à nous aussi?
La grâce de vivre davantage la Semaine Sainte comme Jésus et ses disciples l'ont vécue eux-mêmes?
Ainsi, notre propre isolement, notre peur et notre insécurité peuvent devenir une porte d’entrée pour avoir davantage accès au cœur de l'expérience de Jésus: le seul sur lequel je puisse vraiment fonder mon existence est Dieu le Père. C'est Lui qui donne la vie, au-delà des limites de la mort. Pour le meilleur et pour le pire.
Est-ce que je crois en cela? Dans quelle mesure est-ce que, à mon tour, j’ose m’abandonner à Lui? Qu'est-ce qui m'aide pour ce faire? Qu'est-ce qui m'éloigne de Lui? Où puis-je repérer les traces de son amour ces jours-ci? Comment ces jours-ci m'aident-ils à séparer le bon grain de l'ivraie dans ma vie?
S'il nous est donné de vraiment accueillir cette grâce, cette année notre alléluia viendra du plus profond de nous-mêmes.
Billet spirituel pour la Semaine Sainte
du jésuite néerlandais Nikolaas Sintobin sj
Notre image de solitude à méditer: "Morning Sun" (1952) par Davis Hopper © http://www.wikigallery.org