Après Caïn, meurtrier, voici Noé bâtisseur. Les instructions de Dieu sont précises, au patriarche de les mettre en œuvre, aussi bien pour la construction que pour l’accueil des animaux que des membres de sa famille qui rejoignent l’arche. Bois de près et bitume, les règles de la constructions navales doivent être respectées. Tout commence avant que le déluge ne vienne.
Nous sommes à Vézelay. La scène vient presque d’une bande dessinée. Les personnages sont à l’œuvre, on devine leur concentration. Géniale invention du sculpteur, attrait pour un métier analogue au sien, il retient de Noé et de son arche les préparatifs avant tout.
Tout se met en place. Le bois doit être choisi pour sa noblesse et sa résistance. Non pas le cèdre mais le cyprès. Nous le connaissons pour les cimetières méditerranéens. Arbre dressé, silhouette reconnaissable au loin, il est l’arbre de la résurrection. Il se lève sans cesse, se relève parfois. Au milieu des morts il dit pour nous la Vie. Ben Sirac le voyait déjà s’élever jusqu’aux nuages.
Pour Noé, le cyprès n’est pas l’arbre de la Résurrection, pour l’Ancien Testament non plus. Il est celui de la construction navale, c’est sûr. Résistance et étanchéité, tout est assuré, au bois précieux s’ajoute le bitume. L’arche pourra traverser les flots. Plus tard, Ezekiel à son tour en fera des lambris pour son vaisseau.
Ailleurs dans la Bible, le cyprès est pour la musique. David joue avec des instruments en bois de cyprès. A leur son, il danse aussi. Cithares, harpes, sistres et cymbales font entendre leurs mélodies.
Noé préparant l'arche, Vézelay © Pierre Martinot-Lagarde sj
Souvent, cèdre et cyprès vont ensemble, ils se complètent. Ils viennent des forêts du Liban. Quand le premier est abattu, le second est seul. Mais c’est ensemble qu’ils serviront à bâtir les parois du temple. L’un avec l’autre.
Ici Noé n’est pas seul. Il manie la hache ou l’herminette, il est accompagné. Tout est préparatifs. L’art roman ne retient que cela. Ce moment de la préférence, Dieu choisit. De la multitude des hommes, beaucoup vont disparaître. Qu’importe, tant Dieu est agacé, figé dans sa certitude de vouloir sauver Noé et sa famille, quelques animaux, tous ceux qui pourront entrer dans les trois étages de l’arche.
Étrange préparatif, il y faut du soin. Les hommes se tiendront deux cent jours à l’abri, avant que la colombe ne les délivre. Patience. Mais avec eux des couples d’animaux. Dieu invite à sélectionner, c’est ainsi qu’il sauve.
Oui, il y a séparation, ceux qui vont dans l’arche ceux qui n’y vont pas, l’arbre de la construction, et tous les autres. C’est ainsi que Dieu crée, qu’il poursuit son œuvre, en séparant.
Texte et photos Pierre Martinot-Lagarde sj