L’Évangile selon Matthieu commence par la généalogie de Jésus, celui de Luc par sa naissance à Bethléem, Jean remonte jusque dans les arcanes de la Trinité et de la création du monde pour parler du Verbe. Pour Marc, Jésus entre en scène de manière soudaine, en commençant sa vie publique sans préliminaire. Celui que les prophètes annonçaient, que les générations attendent, est là, plus fort que tous les saints personnages qui l’ont précédé. Solidaire de la foule empêtrée dans le péché mais travaillée par le désir de Dieu, il est baptisé par Jean dans le Jourdain.
L’évangéliste ne s’attarde guère sur le rite du baptême. À peine s’il le mentionne, pour mettre aussitôt l’accent sur ce qui lui semble plus décisif, l’expérience intérieure de Jésus qui prend conscience de sa mission. Seul Jésus voit les cieux se déchirer, comme se déchirera plus tard le rideau du Temple qui sépare le sacré du profane, le monde de Dieu de celui des hommes. Il voit l’Esprit divin descendre sur lui pour l’investir. Une voix venue d’en-haut, celle du Père, atteste que cet homme est son Fils bien aimé, que sa vie et son enseignement font la joie de Dieu. Il y a du nouveau dans la relation entre Dieu et les hommes.
Cette intronisation donne le coup d’envoi. Le Christ est entré en scène. Désormais, sa personne est le lieu géographique où le ciel et la terre se rejoignent, le point physique où Dieu et l’humanité se trouvent réconciliés. Tout ce que l’évangéliste va, par la suite, rapporter de la vie et de l’enseignement de l'homme Jésus de Nazareth a le poids de Dieu. Ses faits et gestes, son enseignement, sa manière de vivre, sa passion et sa mort, sa résurrection sont autant de jalons qui indiquent le chemin de Dieu vers l’homme et celui de l’homme vers Dieu. «Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie; personne ne va vers le Père sans passer par moi» (Jn 14,6).
Recevoir le baptême c’est s’engager à avancer au-delà du rite pour suivre l’itinéraire proposé par l’Évangile, comme ces voyageurs qui découvrent un nouveau pays en suivant les indications de leur guide. Mais encore faut-il avoir le guide à portée de mains et prendre la peine de le consulter.
Pierre Emonet SJ