Jeudi dernier, le Mouvement Citoyens genevois (MCG) a déposé au Grand Conseil de la République et Canton de Genève un projet de loi visant à limiter le montant de la rémunération des directeurs de régie publique. Les arguments pour et contre sont bien connus, de même que les courants politiques qui soutiennent le projet ou s’y opposent. Le problème n’est pas nouveau et il est bien argumenté.
Sans remonter jusqu’aux débats du Moyen-Âge concernant le juste salaire et le juste prix des prestations, depuis près d’un siècle la rémunération des dirigeants d’entreprise a fait l’objet de vives discussions parmi les économistes. Dans ces discussions, personne ne tient le dernier mot. Pourquoi? Parce que les logiques en présence sont incompatibles. Logique de rendement (pour qui? pour quand?) d’un côté, logique d’efficacité (de quoi? à quel prix?) de l’autre, logique sociale ou politique d’un troisième, sans parler des exigences écologiques ou de gouvernance. Chacune de ces logiques soulève de redoutables problème d’indicateurs. Comment mesurer l’efficacité, le rendement, la qualité de gouvernance ou les progrès écologiques d’une régie soumise à des contraintes statutaires fortes?
De ces discussions, deux consensus semblent cependant être à peu près acquis dans l’enceinte délibérative genevoise. D’une part, en supposant qu’il y ait un marché pour ce type de postes – y a des réseaux de hauts dirigeants, ce qui n’est pas la même chose – le marché ne peut à lui seul déterminer la rémunération adéquate des directeurs. Quant à lier montant des rémunérations et qualité du management, c’est poser le problème cul par-dessus tête parce que la qualité du management ici ne peut même pas – comme dans les entreprises privées – se mesurer à un résultat économique. Car il s’agit dans la présente discussion de régies publiques qui jouissent d’un monopole statutaire assorti de fortes contraintes opérationnelles.
D’autre part – second consensus - il semble évident aux yeux de la plupart des édiles genevois que la rémunération des dirigeants des régies publiques sombre aujourd’hui dans un flou qui n’a rien d’artistique, mais qui permet en revanche à la fois toutes les dérives, les décisions arbitraire et les fantasmes. Si les représentants du peuple veulent renforcer le désir et le sentiment du vivre-ensemble – en un mot s’ils veulent vraiment être les représentants du peuple – il leur faut travailler à promouvoir, en ce domaine comme dans celui des impôts et des dépenses publiques, des règles simples, claires, et que chacun puisse comprendre.