Parmi les objets soumis à la votation populaire du 7 mars prochain, l’un porte sur l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public. Initiée par le comité d'Egerkingen qui avait déjà lancé l’initiative anti-minarets en 2009, l’initiative actuelle est soutenu par l’UDC. Sous couvert d’égalité des droits des femmes et des hommes, l’initiative polarise l’attention sur la burqa. L’un des arguments étant de protéger les femmes musulmanes soumises à des traditions patriarcales qui ne sont plus de mise dans la Suisse d’aujourd’hui.
Le Collectif de la grève féministe et des femmes a fait savoir récemment qu’il s’oppose cette initiative «paternaliste et dégradante», qualifiée de «raciste et sexiste». Pour le Collectif, l’initiative se couvre du manteau des droits humains pour stigmatiser une partie de la population, notamment celle issue de l’immigration. Dans une Libre opinion parue dans Le Temps de jeudi dernier (4 février 2021) le Collectif qualifie cette démarche électorale d’opportuniste et d’islamophobe; il parle aussi de fém.-nationalisme, c’est à dire d’une instrumentalisation des droits des femmes à des fins nationalistes et xénophobes.
Je ne suis pas naïf au point d’ignorer les arrière-pensées qui se cachent derrière les arguments électoraux. Toutes celles et tous ceux qui font de la politique savent que le B-A BA en la matière est la distinction entre la légitimité et les objectifs. La légitimité permet d’accéder au pouvoir dans un pays démocratique (nous ne sommes pas au temps de la Renaissance dans l’Italie de Machiavel où le crime autant que le mensonge permettaient d’acquérir et de conserver le pouvoir). L’objectif, c’est différent. Il est souvent caché, et, dans le cas présent, ne s’accorde pas avec mes convictions. C’est la raison pour laquelle je penche résolument –bien que je ne me sente aucune affinité pour l’idéologie portée par le Collectif de la grève féministe– vers un contre-projet qui vise distinctement la sécurité publique.
En 2019, le Conseil des États avait rejeté l’initiative, lui préférant le contre-projet élaboré par le comité d’initiative en matière de sécurité publique. Il soulignait –ce qui me semble évident– la nécessité d’avoir à découvrir son visage à des fins d'identification; qu’il s’agisse d'un contrôle de l'abonnement général dans les transports publics, d’une démarche auprès des autorités des migrations, des assurances sociales ou de la douane.
Reste la question épineuse des manifestations politiques, sociales ou populaires sur la voie publique. Les visages masqués peuvent cacher des malfrats qui profitent de la liesse populaire pour saccager, voler ou étaler leur hargne contre l’autorité publique et ses symboles. C’est également un des arguments des tenants de l’initiative. En France, au nom de la liberté d’expression, la plus haute autorité administrative française s’est émue de l’identification possible des manifestants. En revanche, au nom de la sécurité des agents de police, et pour les protéger d’une vindicte ultérieure, une loi controversée permettrait en France d’interdire que soit rendu public le visage des policiers… au risque de couvrir des dérapages. D’où un compromis permanent à gérer avec bon sens entre l’ordre public et la liberté individuelle.