Parmi tous les harcèlements dans le cadre du travail, dénigrements, moqueries systématiques, mobbing, pression psychologique, physique ou morale, celui à connotation sexuelle, envoi d’images pornographiques, promesses d’avantages indus, tient une place particulière. Certes, le docteur Freud a posé le fond libidinal de la plupart de nos actes humains; mais -chose nouvelle dans notre modernité récente- le harcèlement à connotation sexuelle s’est engouffré dans le grand courant social de condamnation de tout relation -qu’elle soit de travail ou pas- non consentie.
L’actualité genevoise en donne une parfaite illustration. La Conseillère d’État, Nathalie Fontanet, annonce qu’elle met en place une formation pour sensibiliser les collaborateurs de ses Services au harcèlement sexuel. La définition qu’elle donne du harcèlement est «un comportement importun qui engendre un climat de travail toxique». J’aurais préféré qu’elle sépare la morale du respect -dû à chacune de ses collaboratrices et à tous ses collaborateurs- du fond d’efficacité du travail. Mais ce serait trop demander.
Dans le même sens, outre le viol ou la contrainte sexuelle, est apparue une proposition de résolution visant à introduire l’idée centrale de consentement dans le Code pénal helvétique. Le Grand Conseil s’est saisi de la proposition. De leur côté, les Collectifs romands de la Grève féministe lutte pour que soit changée la définition pénale du viol, en mettant au centre de la définition l’absence de consentement.
Je ne peux que me réjouir de ce mouvement social et politique. Car le consentement est ce qui fait la dignité de cet animal social qu’est l’être humain. C’est d’ailleurs ce qu’a retenu la théologie sacramentelle de l’Église catholique romaine, en plaçant le consentement des époux au cœur du sacrement de mariage. Forçant le trait jusqu’à l’absurde, le poète Paul Claudel fait dire à l’un des personnages du Soulier de satin que «ce qui fait le mariage, ce n’est pas l’amour, c’est le consentement» (sic). Comme si l’amour était étranger au consentement. Quoi qu’il en soit des errements matrimoniaux de Paul Claudel, le consentement est à la fois signe de la liberté de chacun, et garant de son inscription dans le tissu de relations avec autrui ; ce qui fait sa dignité.
J’ajoute deux sous dans la musique en soulignant la radicale ambiguïté de la notion de consentement. De même que, comme dit le proverbe, l’appétit vient en mangeant, de même ce à quoi chacun consentit évolue avec la qualité de la relation et de l’expérience vécue. On ne consent pas a priori à un programme de regards, de gestes, de postures définis à l’avance, à la manière d’une procédure calibrée ou d’un plan défini par une autorité supérieure. Autant certain regard peut être d’emblée déshumanisant, autant il faut laisser sa chance à une relation -même au travail- où l’affectivité peut s’épanouir. La Conseillère d’État citée plus haut le reconnaît en remarquant que le but de la sensibilisation au harcèlement sexuel mis en place dans ses Services genevois n’a rien d’incompatible avec l’émergence de couples nés dans le milieu de travail. Ouf!