La sortie du confinement aiguise l’imagination des scientifiques. Et les politiques sont aujourd’hui friands des solutions possibles que leur fournissent les têtes chercheuses. Les gouvernants sont tellement désireux de cacher leur responsabilité derrière l’autorité scientifique qu’ils en oublient parfois la simple cohérence de leurs propos. (Un exemple? Lorsque ce ministre français répétait que les masques pour toute la population n’était pas nécessaires, alors que l’on savait déjà que le virus pouvait se propager avant que ne se manifeste aucun symptôme.)
Plus grave pour des responsables politiques, l’asservissement aux hypothèses scientifiques leur fait oublier les exigences de base de la liberté humaine, voire les droits humains. C’est ainsi que voici une dizaine de jours, la présidente de la Commission de l’Union européenne, Mme Ursula van den Leyen, discriminait les personnes âgées -de plus de soixante-cinq ou septante ans- en leur annonçant un confinement «au moins jusqu’à Noël». Mercredi dernier, audité par le Sénat français, le président du Conseil scientifique rassemblé autour du président de la République, le professeur Delfraissy, déclarait sur le ton d’un mandarin que les quelques dix-huit millions de personnes âgées devront restés confinées jusqu’à ce qu’un vaccin soit trouvé (sic). «Ce n’est pas un scoop» ajoutait-il! Le lundi de Pâques 13 avril, le Président Macron laissait penser dans son allocution que les personnes âgées de plus de soixante-cinq ou soixante-dix ans, supposées être les plus vulnérables, devraient restés confinées après le 11 mai. (Par une note diffusée vendredi dernier 17 avril, l’Élysée semble avoir adouci cette potion amère.) C’est une peine liée non pas à un état de santé, mais à une catégorie statistique.
Ce déni des droits humains a de quoi révulser tous ceux qui combattent contre l’injustice.
Heureusement, en Suisse comme dans les pays qui n’ont pas gaspillé leurs ressources dans de stériles consommations sans avenir, des voies moins totalitaires se cherchent et se trouvent pour faire pièce à la pandémie. C’est ainsi qu’est né un projet européen de traçage des smartphones pour lutter contre le coronavirus. Le principe en est simple, même si la technologie électronique d’application cherche encore sa mise au point. Si une personne est détectée porteuse du virus, toutes celles qu’elle a croisé les quinze jours précédents sont alertées via leur smartphone. À charge des personnes alertées de se confiner ou d’aller se faire tester. Cette solution associerait ainsi la liberté personnelle et la responsabilité, chacun étant responsable de soi-même devant tous.
Cette solution élégante, qui n’est pas encore opératoire, présente quand-même un énorme danger. Car, qui dit traçage centralisé dit contrôle des faits et déplacements de chacun. C’est la voie ouverte devant un régime totalitaire, déjà empruntée par la Chine bien avant l’épidémie. Le Conseil consultatif national d’éthique français a d’ailleurs, depuis plusieurs semaines, alerté le gouvernement sur les atteintes possibles aux droits humains que la «guerre» contre le virus pourrait à tort justifier.
Ce danger n’a rien d’illusoire. C’est pourquoi je me réjouis de voir les deux Écoles polytechniques fédérales, celle de Lausanne et celle de Zurich, se désolidariser du projet européen dont ils étaient deux piliers sérieux. L’esprit centralisateur du programme de traçage européen met en grand danger la liberté des citoyens. C’est pourquoi, vendredi dernier 17 avril, les deux partenaires suisses ont décidé d'explorer une autre voie. Comme le précisait un professeur de l’EPFL: «les détails (protocoles cryptographiques, enjeux de privacy, sécurité des systèmes…) sont importants.»
Considérant cette recherche de solutions plus aptes à respecter la vie privée, je suis heureux de voir que, en Suisse, la conscience des chercheurs l’emporte sur l’esprit monomaniaque des gouvernements jacobins.