Miséricorde toujours
«Car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint,
et je ne viendrai pas avec fureur»
(Osée 11,9)
Faut-il le dire? Cela n’est-il pas trop brutal? Pourrait-il l’entendre? Et si cette parole pointait ce qui fait mal. J’étais à ce point de ma réflexion lorsque soudain l’événement m’affranchit de mes hésitations. Comme un torrent impétueux, l’émotion me submergea. L’expression se libéra. La vérité advint. Événement tout intérieur certes. Et pourtant décisif. Qui emporta tout. Et rendit l’éclat à ce qui en avait été trop longtemps privé. Le réel retrouvait sa texture. La relation blessée, pire niée, ses droits. Enfin éclatait la vérité éclairée par la grâce d’un Amour qui lui donnait toute son amplitude.
Trop longtemps retenue en moi, la colère devant tant d’injustice avait éclaboussé de son énergie bienfaisante la situation inique. Puissante, impétueuse, débordante, elle avait tout emporté sur son passage. Il lui avait fallu cet éclat pour être entendue. Sainte colère inséparable de la justesse de ton qui lui avait procuré sa légitimité. Mon interlocuteur n’avait pu faire la sourde oreille. Elle sonnait fort et juste.
La compassion qui l’accompagnait lui avait donné un je ne sais quoi de fraternel et de miséricordieux. Sans excuser l’acte inique, elle sauvait son auteur. Le mal étant pointé, identifié, nommé, ce dernier était sommé, par-delà ses ambiguïtés et ambivalences, à se situer et prendre position. La perche lui était tendue. Il pouvait la saisir.
Ce qu’il fit. Aliéné par l’injustice qu’il subissait autant qu’il en était l’auteur, il fut réveillé par l’éclat et redonné à lui-même quand il reconnut sa responsabilité. Du même coup, il fut rétabli dans sa dignité. Mis littéralement debout, ressuscité par la relation retrouvée avec l’autre et le Tout-Autre. Avec les effets que l’on sait: pleurs de consolation, sentiment de libération, joie soudaine et excessive, ouverture inespérée vers un avenir qui semblait bouché. La vérité évangélique l’avait rendu libre.
Allier à la fois la très humaine colère et la divine douceur de la Miséricorde est une grâce. Elle se traduit par une sagesse qui redonne goût à la vie.
Luc Ruedin sj
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