Vingt jésuites de quatre continents ont reçu, le 11 avril dernier, le sacrement de l'ordination diaconale en l'église jésuite "Il Gesù" à Rome. Parmi eux, l’Allemand Lukas Kraus, 42 ans, de Birkenfeld dans le Hunsrück, et le Suisse Mathias Werfeli, 46 ans, de Bâle. Tous deux ont rejoint la Compagnie de Jésus par des voies très différentes.
Donner un centre à ma vie en Christ
Le parcours de Mathias Werfeli sj est surprenant. Il a d'abord étudié l'histoire et la philologie anglaise à l'Université de Bâle. Parallèlement, il a travaillé au sein du service des passagers à l'aéroport de Bâle. Puis, il s'est engagé dans l'armée et a gravi les échelons jusqu'à devenir officier sanitaire. À la même époque, il a participé à l'organisation du festival Tattoo de Bâle. Ces différentes occupations n'étaient pas le signe d'une indécision, fait-il remarquer, mais simplement d'un «intérêt polyvalent». De nombreux étudiants se voient aujourd'hui proposer une offre pléthorique de possibilités. Il est donc difficile de «se décider pour une chose ou une autre, et de la défendre pleinement». Quand Mathias Werfeli sj a décidé de rejoindre la Compagnie de Jésus, il avait 38 ans, un pas qui a exigé un fort engagement de sa part et une certaine flexibilité de la part des jésuites.
Mathias Werfeli est issu d'une famille protestants réformés. Quand il s’est converti à l'Église gréco-byzantine ukrainienne, il était déjà un adulte. Depuis son adolescence, il a toujours été passionné pour la liturgie et la musique de l'Église orientale. Comme étape préalable à sa récente ordination diaconale, il a d'ailleurs servi deux ans comme sous-diacre de l'Église gréco-catholique ukrainienne, en dernier lieu dans les paroisses de Bâle et de Zurich.
«Un moment donné, je me suis rendu compte que je devais donner un centre à ma vie», explique-t-il. Deux éléments ont alors été déterminants dans son choix de rejoindre les jésuites. À Bâle, où il étudiait, l'aumônerie était tenue par des jésuites : «J'y ai suivi les Exercices spirituels et j'ai remarqué à quel point cela me faisait du bien». Mathias Werfeli vit depuis toujours l'église comme un lieu de calme et de paix. De là émerge sans doute la seconde raison de son choix:
«Même si nous connaissons tous les problèmes en et hors l’Église, j'y ai trouvé un calme intérieur dans ma vie trépidante».
Actuellement, Mathias Werfeli sj étudie la liturgie de l'Église orientale à Rome.
Il y a deux choses qu’il aimerait souligner: Ce que nous devons montrer au monde en tant que jésuites, c'est que nous prenons la notion de pauvreté au sérieux». L’autre chose concerne le service. En cela Théodose des grottes (1009-1074) de Kiev, est un modèle pour lui: «Théodose a accepté le sacerdoce pour rendre un service à la communauté et non comme chemin d’auto-sanctification.» C’est pourquoi pour Mathias Werfeli -à l’image de Jésus lavant les pieds de ses disciples- le service aux autres est si important.
Quant à sa prochaine destination après ses études actuelles à Rome, il laisse à son provincial le soin de décider de son avenir. Celui-ci connaît ses forces et ses faiblesses. Il pourrait évidemment célébrer la liturgie byzantine partout dans la Province jésuite d'Europe centrale et servir la communauté ukrainienne. Il dit simplement: «Dieu sait déjà où est ma place».
Les maths, c’est bien. «Servir Dieu, le louer et l'adorer», c’est mieux!
Le parcours de vie de Lukas Kraus semble très tôt tout tracé: Il a grandi dans une famille religieuse à Birkenfeld, sur la Nahe -un lieu de la «diaspora» catholique comme il le dit. La foi a marqué très tôt son identité.
Pourtant, le jeune homme a d'abord choisi d’étudier les mathématiques plutôt que la théologie. Mais alors qu’il terminait ses études, il a réalisé que Dieu était la source de tout ce qui est vrai et bon. «Le fait que je puisse lui consacrer entièrement ma vie m'a beaucoup plus attiré que les mathématiques». Lukas a malgré cela pris son temps avant de décider d'entrer au sein de la Compagnie de Jésus: dix ans!
Pour le mathématicien, ses études dans les hautes écoles jésuites de Frankfort (Sankt Georgen) et d'Innsbruck ont été décisives. Et il s'est rendu compte que, comme Ignace, il voulait «servir Dieu, le louer et le vénérer».
«J'ai trouvé chez les jésuites le chemin pour réaliser ce but».
En 2016, Lukas Kraus a ainsi rejoint l’ordre des jésuites. Deux ans plus tard, il prononçait ses premiers vœux.
Lukas Kraus a progressivement faite sienne de la devise des jésuites aller «jusqu'aux limites». L'expérience de la pauvreté pendant son noviciat l’a confronté à ses limites, notamment lors de son expérience de marche d’un mois –entre Nuremberg et Vienne, sans argent– faite en compagnie du Lituanien Donatas Kuzmickas. Il a appris que le plus important dans une telle mission de pauvreté était la confiance en Dieu. Durant cette période, il se souvient avoir été particulièrement touché par le fait de pouvoir partager avec de parfaits inconnus non seulement de la nourriture et un endroit pour dormir, mais aussi et surtout la foi.
Pour ce qui l'attend maintenant qu’il a été ordonné diacre, il s’en remet à ses supérieurs. «Servir Dieu, le louer et le vénérer comme il est écrit dans les Exercices spirituels, et montrer aux autres ce chemin vers Dieu», c'est là qu’il voit sa mission future, attiré plus particulièrement par le service dans une école, une université ou dans la pastorale: «Je suis entré dans la Compagnie de Jésus avec l'ouverture d'esprit me permettant d’œuvrer là où on a besoin de moi. Je suis heureux d'avoir aujourd’hui la liberté de dire: «Ce dont on attend de mois, je le ferai».
Brigitte Schmitt, Rome – adaptation française Céline Fossati