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Décision ‘inédite’ à Grimisuat, en Valais

Dans le district de Sion, à quelque huit cents mètres d’altitude, orientée vers le Sud, c’est-à-dire en plein soleil (rive droite du Rhône qui coule ici d’Est en Ouest), la commune de Grimisuat anticipe les sécheresses à venir. Il n’y a pas de ressources hydriques sur le territoire de la commune; elle dépend donc totalement des communes voisines pour son approvisionnement en eau. Les ressources régionales en eau se feront de plus en plus rares.

Dans ce contexte géo-climatique prévisible, plutôt qu’envisager quelque installation pharaonique qui noierait le budget de la commune dans la dette et pour longtemps, il a été décidé de limiter la population résidente.

Le chiffre avancé s’élève à 5000 habitants. (La commune en comptait quelques 2700 au début des années 2000.)

La décision, annoncée début mars, fut qualifiée de ‘inédite’ par certains médias. J’épingle ce qualificatif car il me semble inadéquat. Limiter la population en regard des ressources disponibles (ici en eau, ailleurs en surface, en énergie ou en produits alimentaires) n’est pas une idée neuve. Cette idée très ancienne fut même argumentée à la fin du XVIIIe siècle par l’économiste et pasteur Anglican Thomas Robert Malthus (1766-1834) dans son Essai sur le principe de population (1798). Selon cet économiste, la production agricole croît selon une proportion arithmétique, c’est-à-dire selon la logique de l’addition (par exemple 1, 3, 5, 7, 9 etc.). En revanche, la population suit une progression géométrique, c’est-à-dire selon la logique de la multiplication (par exemple 1, 2, 4, 8, 16, etc.). La solution qui s’impose à ses yeux consiste donc à limiter la croissance de la population, notamment en supprimant la loi qui obligeait chaque commune anglaise à nourrir ses pauvres. À croire que les pauvres, affamés, n’auront jamais d’enfants.

Le fait est que, aux vues de l’histoire des civilisations, ressources en eaux, développement de la production agricole et croissance de la population vont de pair. Il en est d’ailleurs de même pour tous les animaux. La disparition des insectes du fait des insecticides agricoles ou urbains a entraîné une diminution du nombre des oiseaux. Grimisuat n’en est pas là. Mais l’idée d’ajuster le nombre de consommateurs à la quantité d’eau disponible relève de la même logique prudentielle.

Cette attitude malthusienne fera frémir ceux qui ne jurent que par la solidarité intercommunale. Mais cette responsabilité micro-régionale ne peut rien contre un avenir climatique qui n’en finit pas de préoccuper tous les citoyens soucieux d’écologie ou simplement d’une vie humaine qui ne soit pas un retour au pays de la soif. Quant à compter sur quelque révolution technique (puits à très grande profondeur pour rechercher des aquifères à quelques kilomètres de profondeurs, aqueducs reliant Grimisuat à des régions plus favorisées) il ne peut sérieusement en être question compte tenu des aléas tant financiers que techniques de l’opération. C’est pourquoi je comprends la solution ‘inédite’ choisie par les édiles municipaux de Grimisuat.

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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